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Fusillade lors d’un mariage : la communauté somalienne mécontente du travail de la police
La police d'Ottawa affirme qu'elle se bute à un manque de coopération de certains témoins; un commentaire qui ne passe pas chez certains membres de la communauté somalienne.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Un mois après une fusillade mortelle dans une réception de mariage à Ottawa, des convives mais aussi des membres de la communauté somalienne déplorent qu’aucun suspect n’ait encore été arrêté. Deux personnes ont été tuées et six autres ont été blessées (nouvelle fenêtre), le 2 septembre dernier, au Centre des congrès Infinity.
Fowsia Hussein était l’une des 200 convives qui assistaient au mariage somalien. Ce jour-là, elle a dû faire un choix difficile quand quelqu’un a crié des coups de feu!
.
Elle s’est demandé si elle devait courir ou se cacher sous une table pour sauver sa peau, ou encore rejoindre sa fille de 16 ans, cachée dans les toilettes des femmes.
J'ai pris la décision d'aller chercher mon enfant
, raconte-t-elle, même si elle admet qu’elle ne savait pas d’où provenaient les coups de feu.
La fusillade s’est déroulée à l’extérieur de la salle. Les deux victimes, Said Mohamed Ali, 26 ans, et Abdishakur Abdi-Dahir, 29 ans, étaient deux hommes originaires de Toronto.
Fowsia Hussein était l'une des 200 convives au Centre des congrès Infinity, le 2 septembre dernier.
Photo : Radio-Canada
Mme Hussein et sa fille sont restées blotties dans les toilettes pendant 45 minutes. À un moment donné, quelqu’un est entré dans la pièce. Elles n’étaient pas en mesure de dire s’il s’agissait d’une victime ou du tireur.
En s’échappant vers le stationnement, les deux femmes sont passées devant une flaque de sang.
Un mois plus tard, Mme Hussein confie qu'elle a toujours peur d'assister à de grands événements.
Les suspects n'ont pas encore été arrêtés. Nous ne savons pas qui était la cible
, dit-elle. Nous disposons de très peu d'informations pour être rassurées.
Une nuit traumatisante
Mme Hussein et plusieurs autres membres de la communauté somalienne ont fait part à CBC qu’ils sont préoccupés du rythme auquel l’enquête du Service de police d'Ottawa (SPO) avance.
Bien qu'ils étaient soulagés que des agents soient arrivés rapidement sur les lieux le 2 septembre dernier, ils se disent déçus par l’attitude des enquêteurs ces dernières semaines.
Je ne pense pas que les policiers disent tout ce qu'ils savent. C’est peut-être à juste titre, pour protéger l’enquête. Je leur accorde le bénéfice du doute, mais en tant que citoyens, je pense qu'ils pourraient en faire plus
, croit Mme Hussein.
Wali Farah, qui est aussi d'origine somalienne, raconte que sa femme et ses deux filles, des proches de la mariée, étaient présentes à la réception. Pendant la fusillade, elles se sont cachées dans un placard.
Nous sommes vraiment dévastés. Nous sommes très tristes et nous sommes très préoccupés que personne n'ait été arrêté, et nous blâmons la police
, lance M. Farah.
Ma femme et moi, tout le monde, nous nous demandons comment nous allons être en mesure d’assister au prochain mariage.
Les deux hommes qui ont été tués le 2 septembre n'étaient pas visés par le tireur, selon la police d'Ottawa.
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Puisque l’événement rassemblait de nombreuses personnes musulmanes noires, certains invités ont d'abord cru qu’il s’agissait d’un crime haineux.
Beaucoup de personnes âgées qui étaient là ont subi de nombreux traumatismes dans le passé. Cela leur rappelle de terribles souvenirs
, explique Abdirizak Mohamud, qui est membre d'un groupe local de soutien aux parents somaliens.
Peu de temps après la fusillade, la police a déclaré que rien ne laissait croire à un crime haineux. Elle a plutôt avancé qu’il s’agirait d’un acte ciblé, mais que les deux hommes qui ont été tués n’étaient pas ceux qui étaient visés. Les enquêteurs n’ont toujours pas précisé qui était la cible.
Le lendemain de la fusillade, le chef du Service de police, Eric Stubbs, a déclaré à CTV Ottawa qu’il publierait la description du suspect dès qu’il en aurait une. À ce jour, aucun portrait-robot n'a encore été rendu public.
Des commentaires qui ne passent pas
En plus de l’absence de débouchés dans l’enquête, certaines déclarations de la police ont touché une corde sensible dans la communauté somalienne.
En marge d’une réunion de la Commission de services policiers d'Ottawa le 25 septembre dernier, M. Stubbs a déclaré que les enquêteurs continuaient de suivre des pistes, mais qu'ils se heurtaient à un manque de coopération
de la part de certains témoins.
Farah Aw-Osman a des proches qui ont assisté au mariage, le 2 septembre dernier.
Photo : Radio-Canada
Farah Aw-Osman, qui avait également des proches au mariage, a qualifié ce commentaire de foutaise
.
J'ai personnellement encouragé les membres de la communauté à se manifester lors de précédents homicides. Je les ai personnellement emmenés au poste de police pour parler aux enquêteurs
, dit-il.
L'un de ces incidents s'est produit en plein jour, et il y avait de nombreuses caméras. Et pourtant, cette affaire n'a pas encore été résolue
, plaide-t-il.
Ce dernier s’insurge également que la police a affirmé quatre heures après la fusillade du 2 septembre qu’il n’y avait plus de menaces pour la population.
Comment pouvez-vous affirmer qu’il n’y a plus de menaces quand le suspect court toujours?
, se demande-t-il.
Personne ne sait de qui il s’agit. Il peut encore frapper et nous ne savons même pas qui est ciblé.

Mark Sutcliffe, maire d'Ottawa
Photo : Radio-Canada
Le maire se justifie
Le maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe, est également montré du doigt. Lors d’une entrevue accordée à Radio-Canada au début du mois (nouvelle fenêtre), ce dernier a affirmé qu’il fallait davantage de ressources pour combattre la violence armée et les gangs
dans la ville.
M. Farah croit que le maire a politisé l’événement et qu’il était maladroit de faire un lien avec les gangs de rue, alors que la police n’a jamais dit explicitement que la fusillade était liée au crime organisé.
Questionné sur ce commentaire dimanche, le maire a affirmé qu’il faisait plutôt référence à la violence par armes à feu en général.
Je ne dis pas qu'il s'agit d'un événement lié à un gang
, explique M. Sutcliffe. Je dis que l'unité de police qui s'occupe de la violence armée et des activités des gangs est celle qui a besoin de plus de ressources.
Avec les informations de Guy Quenneville, de CBC News