- Accueil
- Économie
- Agriculture
La filière batterie menace le territoire agricole, constate le MAPAQ
« Le nombre de projets localisés en zone agricole pourrait augmenter dans les prochaines années ».

Vue aérienne du parc industriel et portuaire de Bécancour
Photo : Facebook / Parc industriel et portuaire de Bécancour - SPIPB

Des mines de graphite jusqu'à la construction de méga-usines, la filière batterie a déjà commencé à gruger des terres agricoles et ça ne fait que commencer, anticipe le ministère de l'Agriculture des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ), dans un document obtenu par Radio-Canada, qui sera rendu public la semaine prochaine.
Avec les mutations de l'économie mondiale et la volonté d'effectuer une transition énergétique vers une économie plus faible en carbone, la demande pour certains minéraux est en très forte hausse
, écrit le MAPAQ, dans un cahier d'information préparatoire à une consultation publique sur les activités agricoles (nouvelle fenêtre), qui débutera dans les jours à venir.
Parmi les minéraux stratégiques de la filière batterie (nouvelle fenêtre) : le graphite, dont les gisements sont surtout dans le sud du Québec, entre autres dans des milieux où des activités agricoles sont susceptibles d'être réalisées
, rappelle le MAPAQ.
Le contexte mondial et la localisation des potentiels miniers laissent présager que le nombre de projets localisés en zone agricole pourrait augmenter dans les prochaines années.
100 % des demandes de minière approuvées
Pour le moment, au Québec, quand un projet minier veut empiéter sur des terres agricoles pour explorer ou exploiter, il obtient le feu vert à tous les coups. Entre avril 1998 et mars 2022, la Commission de protection du territoire agricole (CPTAQ) a rendu 10 décisions, toutes favorables, constate le ministère, dans son document.
Les superficies touchées atteignent 1780 hectares, calcule le Canada Carbon a une demande à l'étude à la CPTAQ, depuis mai, pour son projet de Grenville-sur-la-Rouge, dans les Laurentides.
MAPAQ. Mais ce n'est pas terminé. D'autres pertes de terres pourraient s'ajouter. Par exemple, la minière
Le premier ministre du Québec, François Legault, le 17 août 2023, lors d'une annonce concernant le développement de la filière batterie, à Bécancour, avec à sa droite Pierre Fitzgibbon, ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie du Québec et, à sa gauche, François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l'Innovation, des Sciences et de l'Industrie.
Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers
Dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, deux projets d'usines pour mettre au point des composantes de batteries pour les véhicules électriques prévoient le dézonage de terres agricoles. (nouvelle fenêtre)
Dans un premier temps, le mégaprojet de Northvolt (nouvelle fenêtre), qui sera annoncé à 11 h à Montréal, ne devrait pas empiéter sur le territoire agricole, mais des questions se posent pour une éventuelle phase 2.
Radio-Canada a en effet appris que la compagnie suédoise a acquis près de 200 hectares, le double de surface dont il a besoin pour son usine, en vue d'une potentielle expansion (nouvelle fenêtre). Le site de l'ancienne usine d'explosifs, entre McMasterville et Saint-Basile-le-Grand, est ceinturé de terres agricoles.

Une usine de batteries de Northvolt, en Pologne
Photo : Northvolt
La production et le transport d'électricité grugent aussi des terres
Les usines comme Northvolt auront besoin d'un apport important de puissance électrique, alors que le Québec craint d'en manquer (nouvelle fenêtre). C'est pourquoi le gouvernement tente par tous les moyens d'augmenter la production d'électricité, surtout à court terme, avec les éoliennes. Mais ces efforts contribuent aussi à retirer des terres cultivables.

Chaque éolienne retire environ un hectare en terre agricole.
Photo : Radio-Canada / Josée Ducharme
Dans le document du ministère de l'Agriculture, on lit que, depuis 1998, la
CPTAQ a autorisé 99 % des demandes d'implantation de parcs éoliens sur le territoire agricole. Les superficies totales autorisées s'élèvent à 1434 hectares.L'accès requis au réseau de transport d'électricité fait en sorte que plusieurs des prochains parcs éoliens seraient localisés en zone agricole.
La
CPTAQ a aussi autorisé 97 % des projets d'infrastructure liés au transport et à la production d'hydroélectricité, pour un total de 2826 hectares.Des claims miniers sur les terres agricoles
En mai dernier, lors de l'étude des crédits du ministère de l'Agriculture, la députée de Québec solidaire Alejandra Zaga Mendez avait demandé au ministre André Lamontagne ce qu'il pensait du fait qu'il est permis de claimer le sous-sol des terres agricoles
.
Le ministre a alors confirmé cette information et avoué sa « grande surprise », lorsqu'il avait découvert cela.
Est-ce que vous êtes d'accord avec moi que toutes les terres agricoles du Québec devraient être déjà incompatibles avec les activités minières?
a alors demandé la députée. Bien, honnêtement, [...] oui, tout à fait
, a répondu André Lamontagne.
On a un territoire agricole qui est limité aujourd'hui puis qui est soumis à une pression importante [...] Tant et aussi longtemps que je vais être ministre de l'Agriculture, je vais tout faire pour faire en sorte de protéger la capacité nourricière de notre territoire agricole.
Rappelons qu'un promoteur minier ne peut pas accéder ni réaliser des travaux sur des terres privées ou sur des terres publiques s'il n'obtient pas le consentement écrit du propriétaire foncier ou du locataire des terres publiques.
Les municipalités régionales de comté (MRC) ont aussi le pouvoir de délimiter comme territoire incompatible avec l’activité minière le secteur agricole dynamique dans leurs schémas d’aménagement et de développement.