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Pourquoi les habitants du Haut-Karabakh fuient-ils la région?

Trois hommes sont assis à l'arrière d'un camion dans lequel s'entasse une famille.

Des réfugiés de la région du Haut-Karabakh arrivent en camion dans le village frontalier de Kornidzor, en Arménie, le 26 septembre 2023.

Photo : Reuters / IRAKLI GEDENIDZE

RCI

Des milliers d'habitants du Haut-Karabakh ont fui leur foyer pour chercher refuge en Arménie après l'offensive victorieuse des troupes de l'Azerbaïdjan dans la région.

1. Que se passe-t-il?

Il y a une semaine, le 19 septembre, l’Azerbaïdjan a déclenché une attaque-surprise (nouvelle fenêtre) pour reprendre le contrôle de la région séparatiste du Haut-Karabakh, qu’il avait perdue il y a 30 ans.

Vaincues en 24 heures, les forces séparatistes ont accepté un accord de cessez-le-feu (nouvelle fenêtre) qui prévoit leur désarmement complet ainsi que la tenue de pourparlers sur la réintégration du Haut-Karabakh au sein de l'Azerbaïdjan.

2. Qu’est-ce que le Haut-Karabakh?

Il s’agit d'une région à majorité arménienne qui se trouve à l’intérieur de l’Azerbaïdjan. Le Haut-Karabakh, appelé Artsakh par les Arméniens, était une région autonome au sein de la République socialiste soviétique d'Azerbaïdjan de l'époque.

À la dissolution de l’Union des républiques socialistes soviétiques, en 1991, le Haut-Karabakh, soutenu par l’Arménie, a déclaré son indépendance, ce qui a provoqué une guerre sanglante entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, qui a fait quelque 30 000 morts et des centaines de milliers de réfugiés.

Les Arméniens ont remporté cette première guerre et occupé une zone équivalant à environ 14 000 km2, ce qui représente 15 % de l’Azerbaïdjan, dont le Haut-Karabakh. À la suite de l’accord de paix de 1994, un gouvernement s'est autoproclamé à Stepanakert.

En septembre 2020, les Azerbaïdjanais ont lancé une offensive grâce à laquelle ils ont récupéré une bonne partie du territoire, hormis une portion du Haut-Karabakh. Un accord de paix négocié à l’aide de la Russie a mené à l'établissement d'un corridor, surveillé par des militaires russes, qui permet de connecter l’Arménie au Haut-Karabakh, enclavé en Azerbaïdjan.

Depuis, la pression n'a cessé de monter sur l’enclave. La seule voie d’accès depuis l’Arménie, le corridor de Latchine, est bloquée depuis décembre par des manifestants azerbaïdjanais, ce qui a causé des pénuries de denrées alimentaires et de médicaments (nouvelle fenêtre), une situation dénoncée par les organismes humanitaires, qui parlent d’une asphyxie.

3. Pourquoi les gens fuient-ils?

Nous ne voulons pas faire partie de l’Azerbaïdjan; 99,9 % d’entre nous préfèrent quitter leurs terres historiques, a déclaré à Reuters David Babayan, conseiller du chef des autorités arméniennes au Haut-Karabakh, Samvel Chahramanian.

L'Azerbaïdjan s'est engagé à respecter les droits des Arméniens de souche dans la région et à rétablir les approvisionnements après 10 mois de blocus. Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a assuré que les droits des Arméniens du Haut-Karabakh seraient garantis.

Les habitants du Haut-Karabakh, quelle que soit leur ethnie, sont des citoyens de l'Azerbaïdjan.
Une citation de Ilham Aliev, président de l'Azerbaïdjan

Toutefois, de nombreux habitants de la région, qui disent craindre des représailles, ont décidé de partir pour l'Arménie.

Une longue file de voitures sur la route menant à la frontière entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie le 25 septembre 2023.

L’exode de réfugiés du Haut-Karabakh a provoqué d’énormes embouteillages faisant durer jusqu’à 20 heures le trajet de 100 kilomètres.

Photo : Reuters / DAVID GHAHRAMANYAN

Une source gouvernementale azerbaïdjanaise a, par ailleurs, indiqué à l'AFP que l'Azerbaïdjan recherche de possibles auteurs de crimes de guerre dans le flot de réfugiés.

Plus de 28 000 personnes auraient déjà traversé la frontière (nouvelle fenêtre), selon les autorités arméniennes. Si les 120 000 habitants de la province devaient effectivement la quitter dans les prochaines semaines, ce serait tout un défi pour la petite république, qui ne compte que 2,8 millions d’habitants.

Les habitants du Haut-Karabakh sont d’origine arménienne et de confession chrétienne orthodoxe. Les Azerbaïdjanais sont des musulmans chiites.

4. Quel rôle jouent les puissances régionales?

La région du Caucase, charnière entre l'Orient et l'Occident, est l’objet de convoitise.

La Russie, qui la voit comme faisant toujours partie de son pré carré, était la garante du cessez-le-feu de 2020. Les soldats russes devaient protéger l’accès au corridor de Latchine, ce que les Arméniens leur reprochent de ne pas avoir fait.

Nikol Pachinian et Vladimir Poutine discutent, tous deux assis.

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a accusé Vladimir Poutine de ne pas l'avoir soutenu face à l'offensive de l'Azerbaïdjan. (Photo d'archives)

Photo : AFP / Alexei Druzhinin

Le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a également accusé Moscou de l’avoir lâché, ce que les Russes démentent.

Le représentant de la Fédération de Russie au Conseil de sécurité a qualifié d’infondée et absolument inacceptable toute tentative d’accuser son pays d’inaction dans un contexte difficile.

L’Azerbaïdjan, pour sa part, est appuyé par son puissant voisin turc, qui lui a notamment fourni des drones.

5. Comment la communauté internationale réagit-elle?

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a invité l'Azerbaïdjan à respecter ses engagements de protéger les civils dans la province et à y permettre l'accès de l'aide humanitaire.

L'Union européenne a réclamé de l'Azerbaïdjan qu'il détaille sa vision quant à l'avenir des Arméniens vivant au Haut-Karabakh.

La France a réclamé une action diplomatique internationale face à l'abandon de l'Arménie par la Russie. Paris a estimé que l'exode des Arméniens du Haut-Karabakh se déroule sous l'œil complice de la Russie.

Pour sa part, l'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, Bob Rae, a déclaré que l'Azerbaïdjan pourrait entreprendre un nettoyage ethnique des Arméniens dans la région du Haut-Karabakh.

Avec les informations de Associated Press, Reuters et Agence France-Presse.

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