1. Accueil
  2. Politique
  3. Politique fédérale

Hommage à un ex-soldat nazi : le NPD et le Bloc exigent la démission d’Anthony Rota

Le président de la Chambre des communes doit s'entretenir avec les leaders parlementaires des différents partis, mardi à midi.

Anthony Rota debout en Chambre.

Anthony Rota, président de la Chambre des communes, s'est excusé de nouveau lundi pour avoir rendu hommage à un vétéran ukrainien ayant combattu avec les nazis, la semaine dernière, lors de la visite du président Volodymyr Zelensky.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Rania Massoud

Le Nouveau Parti démocratique (NPD) et le Bloc québécois ont appelé lundi le président de la Chambre des communes et député de Nipissing-Timiskaming, Anthony Rota, à démissionner de ses fonctions après avoir invité et honoré, pendant la visite du président Volodymyr Zelensky, un ancien soldat ukrainien qui a combattu avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

L’incident incroyable qui s’est produit vendredi passé fait en sorte que notre confiance en le président de la Chambre est fortement ébranlée et c’est pour cette raison-là que j’ai demandé sa démission aujourd’hui, a dit Peter Julian, député néo-démocrate et leader parlementaire du Nouveau Parti démocratique à Ottawa.

Le Bloc québécois ne peut que constater, d'une part, les dégâts causés par l'erreur de la présidence, et d'autre part, la perte de confiance de la Chambre dont elle a besoin pour exercer sa fonction, a de son côté affirmé le chef du Bloc, Yves-François Blanchet. Par conséquent, nous invitons le président de la Chambre à agir de manière responsable et à renoncer à ses fonctions.

Ces deux déclarations sont survenues quelques minutes après des excuses formelles formulées par M. Rota, devant le Parlement. La veille, le président de la Chambre avait publié une déclaration (nouvelle fenêtre) dans laquelle il exprimait ses regrets pour avoir invité Yaroslav Hunka, 98 ans, un résident de sa circonscription ayant été membre de la 1re Division ukrainienne, également connue sous le nom de Division SS Galicie, une unité de volontaires sous le commandement nazi de la Waffen-SS, durant la Deuxième Guerre mondiale.

Volodymyr Zelensky et Justin Trudeau debout en Chambre.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le premier ministre Justin Trudeau rendent hommage à Yaroslav Hunka, qui était présent lors du discours de Zelensky. Il a combattu avec la Première division ukrainienne pendant la Seconde Guerre mondiale avant d'immigrer plus tard au Canada.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

Mon intention était de montrer que le conflit entre la Russie et l’Ukraine n’est pas nouveau; que les Ukrainiens sont malheureusement victimes d’une agression étrangère depuis trop longtemps et que cela doit cesser, a dit M. Rota pour justifier cette invitation.

J'ai par la suite pris connaissance d'autres informations qui me font regretter ma décision d’honorer [Yaroslav Hunka]. Je tiens à m'excuser auprès de la Chambre. Je suis profondément désolé d'avoir offensé beaucoup de personnes par mon geste et mes remarques.

M. Rota a par ailleurs tenu à dédouaner le gouvernement de Justin Trudeau, assumant toute la responsabilité de cette invitation. Cette initiative venait entièrement de moi. [...] Personne n'était au courant de mon intention, a-t-il assuré.

Anthony Rota doit s'entretenir avec les leaders parlementaires des différents partis à la Chambre des communes, mardi à midi.

Ces excuses ne sont pas suffisantes, il s’agit d’une faute impardonnable. [...] Un lien de confiance sacré a été brisé et, malheureusement, je ne pense pas que [le président de la Chambre] peut maintenir ses fonctions. [...] C’est pour cela que je demande sa démission.
Une citation de Peter Julian, député néo-démocrate et leader parlementaire du NPD

La leader du gouvernement à la Chambre des communes, Karina Gould, a quant à elle affirmé avoir personnellement été affectée par cette controverse, étant donné qu’elle est une descendante de survivants de l'Holocauste.

S’adressant au président de la Chambre, elle a qualifié l’incident de malheureux et d’embarrassant aussi bien pour le Canada que pour le président ukrainien. J’apprécie le fait que vous assumez la responsabilité de votre propre initiative [...], mais je pense que tous les partis doivent travailler ensemble afin de retirer l’hommage [accordé à Yaroslav Hunka] des registres officiels, a-t-elle dit, exhortant le Parti conservateur du Canada (PCC) à ne pas politiser cette affaire.

Karina Gould, leader du gouvernement à la Chambre des communes.

Karina Gould, leader du gouvernement à la Chambre des communes.

Photo : La Presse canadienne / PATRICK DOYLE

L’ancien chef du Parti conservateur du Canada, Andrew Scheer, lui a répondu en disant ne pas être convaincu que le gouvernement libéral n’était pas au courant de cette invitation. Les visites officielles sont organisées par le bureau du premier ministre, a-t-il dit. Les considérations sécuritaires sont très importantes [...], mais le gouvernement ne veut pas nous dire s’il a effectué un contrôle de sécurité sur cette personne.

Comment [Yaroslav Hunka] a-t-il été autorisé à entrer dans la Chambre? Une simple recherche sur Google aurait permis de connaître son passé. Si le gouvernement n’est pas capable de faire un contrôle de sécurité de ce niveau-là, cela représente un sérieux problème.
Une citation de Andrew Scheer, député et ancien chef du PCC

En réponse à ces accusations, Mme Gould a assuré que c’est M. Rota qui a pris l’initiative d’inviter l’ancien soldat ukrainien, réaffirmant que le gouvernement n’a pas été mis au courant de sa présence. Elle a toutefois laissé entendre qu’un contrôle de sécurité a été préalablement effectué sur sa personne.

Ni le cabinet du premier ministre ni la délégation ukrainienne n'avaient été informés à l'avance de l'invitation ou de la reconnaissance, avait indiqué plus tôt le bureau du premier ministre. Le Canada continuera de défendre une Ukraine libre. Nous avons été fiers d'accueillir le président Zelensky et de lui réaffirmer notre soutien, conclut le bureau du premier ministre dans sa déclaration écrite.

Lundi, le premier ministre Justin Trudeau a affirmé que cet incident est profondément gênant pour le Parlement du Canada et par extension, pour tous les Canadiens.

Je pense particulièrement aux parlementaires juifs, mais aussi à toute la communauté juive d’un bout à l’autre de ce pays qui commémore le Yom Kippour aujourd’hui. L’important, c’est qu’on va demeurer ferme contre la Russie, contre la propagande et la désinformation russe tout en restant sans équivoque en appui à l’Ukraine dans cette guerre illégale.
Une citation de Justin Trudeau, premier ministre du Canada
Le président ukrainien serre la main de Pierre Poilievre à Ottawa.

En visite à Ottawa, Volodymyr Zelensky serrant la main de Pierre Poilievre, chef conservateur.

Photo : Reuters / Blair Gable

Lors de la période des questions en Chambre, le chef de l'opposition officielle, Pierre Poilievre, s'est levé pour condamner à son tour cet incident embarrassant. Il a par ailleurs accusé M. Trudeau de se défiler de ses responsabilités, l'invitant à présenter des excuses aux Canadiens.

Les Canadiens en ont assez d’un premier ministre qui n’assume jamais ses responsabilités. [...] Il trouve toujours quelqu’un d’autre à blâmer, a encore dit M. Poilievre. Est-ce que c’est vous cette fois-ci? a-t-il ajouté en s'adressant à M. Rota.

Entrevue avec Pierre Anctil, historien et spécialiste de la culture juive et de l'histoire de l'immigration au Québec et au Canada, et Dominique Arel, professeur et titulaire de la Chaire en études ukrainiennes de l'Université d'Ottawa

Une ovation dénoncée de toutes parts

Le président Zelensky était de passage à Ottawa après une visite aux États-Unis pour demander davantage d’aide occidentale dans sa guerre contre la Russie. Depuis le début de l’invasion russe, le président Vladimir Poutine clame qu’il faut dénazifier l’Ukraine. S’il est vrai que des organisations d’extrême droite y sont actives, le phénomène demeure marginal, amplifié surtout par la propagande russe (nouvelle fenêtre).

D'ailleurs, l'ambassade de Russie au Canada a réagi dans un courriel envoyé à Radio-Canada lundi en fin de journée, affirmant que cette ovation est une gifle aux véritables héros canadiens qui ont combattu pour libérer l’Europe des nazis aux côtés de leurs frères d’armes russes et soviétiques.

Sur les réseaux sociaux, l'ambassadeur de la Pologne au Canada, Witold Dzielski, a aussi réagi en demandant des excuses au gouvernement canadien, affirmant que cette unité a été responsable de la mort de milliers de Juifs et de Polonais.

Toujours sur les réseaux sociaux, le groupe de défense de la communauté juive Les Amis du Centre Simon-Wiesenthal (Friends of Simon Wiesenthal Center) s’est dit consterné que le Parlement canadien ait ovationné un vétéran ukrainien qui a servi dans une unité militaire nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, impliquée dans le massacre de Juifs et d'autres personnes.

Le président-directeur général d’un autre regroupement juif, B’nai Brith Canada, Michael Mostyn, a abondé dans ce sens. Sur X (ex-Twitter), il a qualifié cette situation de scandaleuse et de honteuse.

Rania Massoud

À la une