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Tensions Inde-Canada : Blair souhaite qu’on se concentre sur l’enquête criminelle
Bill Blair, ministre canadien de la Défense nationale (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Justin Tang
Après une semaine de tempête diplomatique découlant des accusations du premier ministre canadien (nouvelle fenêtre) relatives à l’implication de l’Inde dans l’assassinat d’un militant sikh, le ministre canadien de la Défense, Bill Blair, souhaite recentrer le débat sur l’enquête criminelle en cours. Il s'agit d'une enquête essentielle pour le Canada et ses alliés, selon lui.
Les relations du Canada avec ses alliés du groupe de surveillance des Five Eyes
– les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande – ainsi que l’origine des preuves qui ont permis à Justin Trudeau d’accuser publiquement l’Inde d’être impliquée dans l’assassinat du militant sikh Hardeep Singh Nijjar ont fait couler beaucoup d’encre, ici comme ailleurs.
Cependant, Bill Blair n’a pas voulu commenter l’origine ni la nature des renseignements qui ont mené à la déclaration publique du chef d’État canadien parce que le résultat de cette enquête a une importance critique pour le Canada
, a-t-il affirmé dimanche en entrevue sur les ondes de CBC, ajoutant que le résultat de l’enquête sera important pour les alliés du Canada et pour le reste du monde parce qu’il s’agit potentiellement d’une violation de l’ordre international [basé sur le droit international]
.

Hardeep Singh Nijjar a été tué par balles dans le stationnement du temple sikh qu'il dirigeait à Surrey, dans le Grand Vancouver. (Photo d'archives)
Photo : (Ben Nelms/CBC)
Le ministre de la Défense a réitéré que le Canada dispose de renseignements très crédibles
sur le lien entre l'Inde et la mort de Hardeep Singh Nijjar, ce qui nous inquiète profondément
.
Je ne dirai rien qui puisse compromettre l'intégrité de cette enquête, c'est tout simplement trop important.
Des détails en représailles
L’Inde nie publiquement les accusations. Plus tôt cette semaine, un porte-parole du ministère indien des Affaires étrangères a également affirmé que le Canada avait une réputation grandissante
de refuge pour les terroristes, les extrémistes et le crime organisé
.
Hardeep Singh Nijjar militait pour la création d’un État, le Khalistan (nouvelle fenêtre), qui comprendrait notamment le Pendjab, une région à majorité sikhe partagée entre l’Inde et le Pakistan. Il était considéré comme un terroriste par la National Investigation Agency (NIA), une agence du gouvernement indien qui se consacre à la lutte contre le terrorisme.
Toutefois, les autorités indiennes n'auraient pas nié, en privé, les allégations d'Ottawa (nouvelle fenêtre).
Le gouvernement canadien affirme qu'il s'appuie non seulement sur des sources sur le terrain mais aussi sur des informations tirées d'interceptions de communications provenant du réseau des Five Eyes
.
Une partie de ces interceptions électroniques touche d'ailleurs des diplomates indiens en poste au pays, dont les communications auraient été interceptées par des agents canadiens, selon ce que rapportait CBC News cette semaine.
Le Canada a dévoilé ces informations après l’annonce par le gouvernement indien de la suspension du traitement des demandes de visas effectuées par les citoyens canadiens (nouvelle fenêtre).
Le premier ministre Justin Trudeau et son homologue indien, Narendra Modi, ont eu une rencontre tendue en marge du Sommet du G20 à New Delhi. (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick
L’importance de l’enquête criminelle soulignée par le ministre Blair fait écho à des déclarations du conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, et de l'ambassadeur américain en Inde, Eric Garcetti, plus tôt cette semaine.
Nous sommes profondément préoccupés par ces allégations. Nous aimerions que cette enquête se poursuive et que les auteurs soient tenus responsables
, a déclaré M. Sullivan jeudi.
M. Blair a évité de commenter les renseignements que le Canada avait reçus de ses alliés pour l'aider à décider de s'exprimer publiquement sur cette question.
Samedi, le New York Times a rapporté que les États-Unis avaient fourni certaines informations en lien avec le contexte qui a mené au meurtre mais que les éléments déterminants avaient été découverts par des responsables canadiens.
L’ambassadeur américain à Ottawa, David Cohen, a déclaré samedi à CTV News que les agences de renseignement américaines avaient fourni au Canada certaines informations qui offrent un meilleur portrait du contexte ayant mené au meurtre par balle de Hardeep Singh Nijjar en juin dernier en Colombie-Britannique.
Je dirais qu'il s'agit d'un partage d'informations entre les services de renseignement
, a-t-il déclaré. Il y a eu beaucoup d'échanges entre le Canada et les États-Unis à ce sujet et je pense que c'est le plus loin que je puisse aller.
De gauche à droite : David Cohen, ambassadeur américain à Ottawa, Bill Blair, ministre canadien de la Défense, et Jonathan Wilkinson, ministre canadien de l’Énergie et des Ressources naturelles (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Appels à la coopération indienne
De nombreuses voix se sont élevées pour appeler l’Inde à coopérer à l’enquête.
Justin Trudeau a réitéré sa demande en marge de l'Assemblée des Nations unies à New York cette semaine. Nous appelons le gouvernement indien à collaborer avec nous pour mettre en œuvre des procédures afin de faire la lumière sur cette affaire et de permettre que justice soit rendue et que les responsabilités soient établies
, a-t-il déclaré, ajoutant que son gouvernement ne cherche pas à provoquer ou à causer des problèmes.
Il est évident que l'Inde est un pays dont l'importance ne cesse de grandir et avec lequel nous devons travailler
, a-t-il poursuivi tout en réitérant l'importance de l'État de droit
et de la protection des Canadiens.
La seule demande que nous ayons faite à nos alliés et à l'Inde est qu'ils coopèrent pleinement à cette enquête, car son résultat est très important
, a déclaré M. Blair à CBC dimanche.
Le premier ministre canadien Justin Trudeau lors d'une conférence de presse en marge de l'Assemblée générale des Nations unies à New York, le 21 septembre 2023.
Photo : Reuters / MIKE SEGAR
Jeu diplomatique
Le Canada se trouve dans une position délicate, car plusieurs de ses alliés développent leurs liens, autant économiques que diplomatiques, avec la puissance émergente qu’est New Delhi. Pour plusieurs, l'Inde est un partenaire stratégique qui permet de contrebalancer l'influence chinoise en Asie.
Je comprends parfaitement que tous les pays ont des intérêts économiques importants dans la région indo-pacifique, tout comme le Canada (nouvelle fenêtre). Mais notre engagement dans cette région du monde ou n’importe où ailleurs doit se réaliser en tout respect [du droit international] et le Canada demeure engagé à faire la promotion de ces règles.
Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, soutient que les États-Unis partagent les profondes préoccupations
du Canada et nie toute suggestion de l'existence d'un fossé entre les deux pays (nouvelle fenêtre) dans cette affaire.
Bill Blair a aussi déclaré qu'il était conscient que les tensions diplomatiques ont des conséquences sur les membres de la diaspora indo-canadienne.
C'est une autre raison pour laquelle j'accorde autant d'importance à l'enquête en cours. Il faut que nous puissions aller au-delà des renseignements crédibles pour trouver des preuves, des preuves solides de ce qui s'est exactement passé afin que nous et le gouvernement indien puissions connaître la vérité et les faits. Nous travaillerons ensemble pour résoudre ce problème de manière appropriée
, a-t-il déclaré à CBC dimanche.
Le Canada abrite la plus grande communauté de la diaspora de confession sikhe, soit 771 790 personnes, selon le recensement canadien de 2021, devant le Royaume-Uni, qui en recensait 524 140 en 2021.