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Jour des Franco-Ontariens : 3 artistes racontent leur cheminement identitaire

Trois artistes venus d’ailleurs nous ont raconté leur cheminement identitaire. (Montage Camile Gauthier)
Photo : Radio-Canada / Charley Dutil
Depuis 2010, le 25 septembre marque le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. Trois artistes qui ont des origines en Île Maurice, au Maroc et en Haïti racontent l’évolution et la construction de leur rapport à l’identité franco-ontarienne.
Qui est Franco-Ontarien en 2023? Quels sont les piliers de cette identité canadienne à part? Cette question se trouve bouleversée par l’immigration : les francophones sont de plus en plus nombreux en Ontario, mais de moins en moins en proportion.
Directrice et fondatrice du festival Cinéfranco, qui célèbre sa 26e édition, Marcelle Lean se définit comme Maroco-Franco-Canadienne
. Arrivée il y a 50 ans à Toronto, elle a toujours travaillé en français, un aspect très important pour elle.

Marcelle Lean est directrice générale et artistique de Cinéfranco. (Archives)
Photo : Radio-Canada
De son côté, l’écrivaine Diya Lim s’est installée dans la Ville Reine il y a 23 ans, puis a déménagé à Mississauga trois ans plus tard. Elle a publié 21 livres.
Quant à LeFLOFRANCO, né à Paris avec des origines haïtiennes, il a immigré très jeune à Ottawa où il a percé sur la scène hip-hop. Il sera à Barrie lundi pour assister au lever du drapeau franco-ontarien puis mardi en concert à Oakville, à l’École secondaire catholique Sainte-Trinité.
Une étincelle
Pour ces trois personnes venues de loin, le sentiment d’identité franco-ontarienne n’a pas été immédiat. À Toronto ou sa banlieue, la conscience francophone n’est pas forcément perceptible. Les trois artistes parlent d’une construction progressive, accélérée par un déclic.
Diya Lim a connu une évolution par la littérature quand elle a publié ses premiers ouvrages. J'ai commencé à donner des entrevues
et on me présentait à chaque fois : "Voici l'écrivaine franco-ontarienne". Mais je me suis dit : "Ah, ok?"
Elle explique avoir vécu ce changement une dizaine d’années après son arrivée.
Pour moi, j'étais Mauricienne, Canadienne, mais alors Franco-Ontarienne… C’est venu bien après, mais un jour, ça, ça cliquait quand on m’a présentée comme ça.

L'autrice Diya Lim. (Archives)
Photo : Collection privée de madame Lim
Elle s’attarde aussi sur le rôle important
de l’école. Pour mes enfants, le drapeau vert et blanc, le drapeau franco-ontarien, c'était vraiment le leur. Grâce à l'école, on a découvert et ça a augmenté la fierté d'appartenance.
Puis, elle a remarqué d'autres événements, par exemple la Francourse, qui lui ont apporté une cohérence à cette identité. On continue d'apprendre grâce à nos enfants.
Ce sont aussi des rencontres, comme avec une famille libanaise, qui ont eu une influence sur le thème de son nouveau livre Eli Labaki et les gouttes de pluie.
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Une légèreté
Pour Marcelle Lean, cette construction est différente. Quand en France je disais que je suis née à Casablanca, c'était l'horreur
, dit-elle. À Toronto, au contraire, elle trouve une légèreté que je n’avais pas du tout connue
.

L'autrice franco-ontarienne Diya Lim.
Photo : Diya Lim
Elle compare son déménagement avec une guérison
. J'ai connu cet épanouissement et c'est ici que j'ai réalisé, en fait, que j'avais un côté francophone extrêmement profond.

La création et la longévité - plus de 25 ans - du festival Cinéfranco est l'accomplissement de Marcelle Lean pour les Franco-Ontariens.
Photo : Cine Franco
LeFLOFRANCO se souvient que, plus jeune, comme tout bon adolescent qui trippait hip-hop dans mon temps, c'est sûr qu'on s'écoutait beaucoup de Jay-Z, de 2-PAC, de Eminem... Mais ma plume, elle a commencé en français
avant de basculer sur l’anglais une fois plus en confiance.

La pochette du dernier album de LeFLOFRANCO
Photo : leflofranco.com
Un lieu emblématique
Bien qu’établis à Toronto et Mississauga, Marcelle Lean et Diya Lim évoquent pourtant le Nord de l’Ontario pour situer un lieu où l’identité franco-ontarienne est la plus vibrante.
Pour Marcelle Lean, Sudbury offre ce rapport fusionnel qu'on a entre francophones
.
Et quand je suis allée à Sudbury c'était pour présenter des films francophones, c'était pour parler littérature, c'était vraiment pour dire, voilà, on est là, on se soutient.
Diya Lim cite aussi Sudbury, et même un peu plus au nord, avec Hearst et ses 5000 habitants. C’est un petit, je ne dirais pas un village, c'est une ville, mais il y a beaucoup de francophones là, on peut marcher dans la rue et parler en français.

La série de livres « Madie » de l'autrice franco-ontarienne Diya Lim.
Photo : Radio-Canada
Souvent surnommé le petit Québec
, Hearst vient de se faire détrôner par la petite communauté de Mattice-Val Côté (nouvelle fenêtre), 542 habitants, où 96,3 % de la population est francophone.
De son côté, LeFLOFRANCO pense d’abord à la province en général; puis à plusieurs organisations, de l’école, à des organisations musicales et en particulier à l'Association des professionnels de la chanson et de la musique (
APCM), à Ottawa.C'est vraiment à travers l'APCM que j'ai compris qu'on a une scène culturelle qui s'élargit au restant de la francophonie canadienne pour ne pas dire juste hors Québec.

LeFLOFRANCO s'exprime.
Photo : LeFLOFRANCO
Ainsi, il a rencontré plein d'artistes et les opportunités ont commencé à venir
. Alors qu’il vit ce qu'il définit comme la plus grande année
de sa jeune carrière, il affirme que sa satisfaction est de représenter la preuve que c'est possible de rester chez toi en Ontario et avoir une belle carrière comme ça
, un élément important pour lui et pour le prochain LeFLOFRANCO
. Il ajoute qu'il n'aurait jamais imaginé une telle situation à ses débuts à 14 ans.
Des coups de cœur
Enfin, la francophonie est aussi une question de passion, et donc de coups de cœur plus personnels. Nos trois figures artistiques ont des émotions dans leurs domaines.
Marcelle Lean met en avant Le Labo, un centre francophone pour artistes émergents. Ces artistes sont ouverts - et toujours passionnés aussi - de nous raconter l'histoire des luttes franco-ontariennes, et ça j'adore.
Depuis quelques années, son festival présente des courts-métrages de réalisateurs issus du Labo.
Diya Lim se retrouve dans l’écrit, et notamment dans les livres jeunesse de Mireille Messier, qui est établie à Toronto. Elle a fait beaucoup d’albums, elle a un sens de l'humour aussi.
L’autrice est également à l’initiative de l’opération Le 25 septembre, j’achète un livre franco-ontarien (nouvelle fenêtre) depuis 2015. Pour cette occasion, Diya Lim a commandé sa nouvelle parution, Le bonnet magique.
LeFLOFRANCO reste dans l'univers musical et pourrait citer une quinzaine d’artistes. Son choix s’arrête à DJ Unpier : C’est des beats qui claquent, des beaux remix
. Il ajoute que son influence rayonne sur toute la scène franco-ontarienne. Tu dis son nom, mais tous les artistes sont attachés à lui, car il collabore beaucoup.
Et puis il bouge partout
dans la communauté franco.
Avec la collaboration de Charley Dutil.