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Un travailleur de la santé québécois sur 10 pourrait être atteint de la COVID longue

Le Dr Alain Piché ausculte un patient qui souffre de symptômes persistants de la COVID-19.
Photo : Radio-Canada
« L’OMS a déclaré au printemps que l’urgence pandémique est terminée. Et il y a des gens qui pensent que la COVID-19 est partie et que la COVID longue n’existe pas », affirme le Dr Pavlos Bobos, l’un des nombreux chercheurs qui ont assisté au premier symposium canadien sur la COVID longue, à Montréal, mercredi et jeudi. Et pourtant, des milliers de Canadiens vivent encore avec des symptômes persistants.
Ce nombre de cas de COVID longue, soit lorsque les symptômes persistent plus de 12 semaines après l'infection initiale, continue d’augmenter au fur et à mesure que les gens sont réinfectés.
C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé la Dre Sara Carazo, une épidémiologiste de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ), qui a présenté les données préliminaires d’une vaste étude épidémiologique sur les impacts de la COVID longue sur les travailleurs de la santé au Québec. Plus de 23 000 d'entre eux ont été sondés cet été.
Selon les résultats préliminaires, le risque de développer un syndrome post-COVID, communément appelé COVID longue, est de 16 %.
Au moment de l’étude, 10 % des travailleurs de la santé rapportaient des symptômes plus de 12 semaines après l'infection. Parmi ceux-ci, le tiers avaient des symptômes sévères et plus de la moitié avaient des symptômes depuis plus d’un an.
Si le risque de développer le syndrome post-COVID a légèrement diminué avec les nouveaux variants (12 % contre 26 % au début de la pandémie) et depuis l’accès au vaccin, la majorité des personnes qui disent avoir des symptômes persistants ont été infectées par le variant Omicron, soit à partir de janvier 2022.
Les travailleurs qui ont été hospitalisés sont plus susceptibles d’avoir trois symptômes ou plus à long terme, ajoute la Dre Carazo. Une réinfection est aussi associée à un risque accru de développer un syndrome post-COVID-19.
Les deux symptômes les plus fréquemment rapportés sont la fatigue et l’essoufflement.
Environ 70 % des personnes disent que leurs symptômes ont un impact sur leur travail; un peu plus de 15 % disent qu’ils ont des difficultés à travailler.
La moitié de ces travailleurs ont consulté un médecin; près de 20 % ont demandé l’aide d’un spécialiste.
Le syndrome post-COVID-19 est sous-estimé. Il faut évaluer l’impact que ce syndrome a sur la pénurie de main-d’œuvre.
Un accès aux soins toujours difficile
Les chercheurs à ce symposium ont tous rapporté que le nombre de patients qui demandent de l'aide ne diminue pas.
La Dre Emilia Falcone, directrice de la Clinique de recherche post-COVID-19 de l'IRCM, dit avoir reçu à elle seule 4000 demandes de patients espérant participer à son étude. Je ne dormais pas la nuit en pensant que je ne pouvais pas tous les aider
, a-t-elle témoigné.
Le Dr Alain Piché, professeur-chercheur à l’Université de Sherbrooke, suit présentement 500 patients. C’est juste moi et une infirmière pour tout ce monde
, dit-il, en ajoutant que plus de 400 personnes sont sur une liste d’attente pour obtenir un suivi avec lui.
Et si le Québec a enfin ouvert 14 cliniques post-COVID, plusieurs d'entre elles manquent de personnel. La majorité de ces cliniques n’ont pas de médecin
, déplore le Dr Piché.
Plusieurs des experts présents au symposium ont déploré le fait que trop de personnes n’ont pas reçu de diagnostic après des mois de souffrance ou ont reçu un mauvais diagnostic.
Beaucoup de patients ont erré longtemps dans le système médical. Leur diagnostic tarde. On voit des diagnostics erronés; plusieurs patients sont diagnostiqués pour un problème de santé mentale. Il y a encore beaucoup de méconnaissance de la première ligne à propos de la COVID longue. C’est un problème.
Le Dr Piché convient toutefois que le diagnostic de COVID longue n’est pas facile à établir. Les symptômes peuvent être confondus avec différentes conditions
, explique-t-il.
Rappelons que ce syndrome est associé à environ 200 symptômes touchant au moins 10 organes, dont le cerveau, le cœur, les poumons et les vaisseaux sanguins.
La Dre Anne Bhéreur, qui vit toujours avec de nombreux symptômes sévères depuis son infection en décembre 2020 dans le milieu de soins palliatifs où elle travaillait, croit que la communauté médicale doit davantage écouter les patients, qui, dans bien des cas, se sentent isolés et mal compris.
La première étape est de reconnaître l'existence de la COVID longue, de reconnaître la complexité de la maladie et de dire qu’on n’a pas encore toutes les réponses
, insiste la Dre Bhéreur.
Un syndrome encore mystérieux
Ce n’est pas pour rien qu’il y a présentement des dizaines d’études à travers le pays pour essayer de mieux comprendre les mécanismes biologiques de la COVID longue et de trouver des moyens de traiter la maladie, et pas juste les symptômes.
Depuis que les gouvernements ont restreint l'accès aux tests PCR, plusieurs personnes qui croient souffrir de COVID longue ont de la difficulté à démontrer que leurs symptômes sont bel et bien liés à leur infection. C'est pourquoi un chercheur torontois travaille à identifier des biomarqueurs qui peuvent confirmer un diagnostic de COVID longue.
D’autres chercheurs essaient d’utiliser l’intelligence artificielle pour essayer de détecter des personnes qui seraient atteintes de ce syndrome, sans le savoir.
D’autres chercheurs se penchent sur les risques de COVID longue chez les enfants. Si la prévalence est moins élevée chez les jeunes, la maladie existe néanmoins, rappelle le Dr Piushkumar Mandhane.
Il y a un intérêt, une curiosité à vouloir cerner toutes les incertitudes
, dit la Dre Carole Jabet, directrice scientifique du Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS), qui a organisé ce premier symposium sur la COVID longue.
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