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Que retenir du Sommet sur l’ambition climatique de l’ONU?
À quoi aura servi cet autre sommet? Pourra-t-il, comme le souhaite le secrétaire général des Nations unies, insuffler un nouvel élan à la protection du climat? Peut-être.

« L'effondrement climatique a commencé », a déclaré António Guterres lors de l’Assemblée générale des Nations unies.
Photo : afp via getty images / TIMOTHY A. CLARY

« Un seul sommet ne changera pas le monde. »
Une petite phrase qu’António Guterres a réservée pour la fin de son discours au Sommet sur l’ambition climatique.
On ne saurait le contredire.
Je ne compte plus le nombre de fois où je me suis fait demander : Ça sert à quoi, ces grandes rencontres sur les changements climatiques?
Une question légitime. Il y a eu des dizaines de ces grandes assemblées au cours des trois ou quatre dernières décennies, et le problème du dérèglement climatique persiste.
Un sommet, ou 10, ou 20, ne change pas le monde… Mais un peu, quand même.
Ces grandes rencontres ne sont jamais vraiment satisfaisantes. Jamais complètement à la hauteur des défis à surmonter. Mais elles ont toutes quelque chose en commun : elles ne sont jamais inutiles.
C’est la troisième fois que les Nations unies profitent de la présence des chefs d’État et de gouvernement pour organiser en parallèle un sommet climatique durant l’Assemblée générale.
Celui de 2014, organisé par l’ancien secrétaire général Ban Ki-moon, avait ouvert la voie à la signature de l’Accord de Paris en 2015, la première entente universelle sur le climat.

Des milliers d’étudiants marchent à New York en 2019 dans le cadre de la grève pour le climat à l’initiative de la jeune militante suédoise Greta Thunberg.
Photo : Radio-Canada / Jean-François Bélanger
Celui de 2019 avait été le point de départ d’un immense mouvement populaire qui a fait descendre, semaine après semaine, des centaines de milliers de personnes dans les rues des villes de la planète pour réclamer de l’action des décideurs politiques et des grands acteurs économiques. Seule l’arrivée de la pandémie a pu ralentir ce mouvement citoyen.
Pression morale et progrès climatique
Ça sert à quoi, donc, ce genre de sommet international?
Ma réponse à cette question est toujours la même : imaginez s’il n’y en avait jamais eu.
En 2010, les projections des climatologues nous amenaient sur une trajectoire d’une élévation des températures de 3,7 à 4,8 degrés Celsius à la fin du siècle.
En 2023, selon les plus récents modèles, on estime désormais ces augmentations entre 2,4 et 2,8 degrés.
C’est encore beaucoup trop, bien entendu. Mais ces données montrent tout de même le progrès qui a été réalisé en à peine une décennie. Qu’est-ce que ce serait sans toutes les mesures de protection du climat qui ont été mises en place depuis les dernières décennies?
Les sommets internationaux ne sont pas la panacée et n’expliquent pas à eux seuls ces avancées, mais ils participent à pousser l’action climatique vers le haut.
Pourquoi cela?
Grâce à la fameuse pression morale qui s’opère très souvent dans les relations internationales.
En 2022, l'Égypte a accueilli la grande conférence sur le climat de l'ONU.
Photo : Reuters / MOHAMED ABD EL GHANY
Au Sommet sur l’ambition climatique mardi, seulement une poignée de pays – une trentaine – ont pu prononcer un discours sur la tribune des Nations unies. Le prix à payer pour obtenir leur place au lutrin était d’arriver avec l’annonce d’une politique climatique clairement améliorée.
De nombreux pays ont été écartés parce que leur politique manque d’ambition ou de crédibilité. Trop de mots, trop peu d’action.
En imposant ces règles, le secrétaire général de l'
ONU avait essentiellement deux buts : inciter les décideurs politiques à accélérer leurs actions climatiques, et créer ainsi une pression sur les pays qui n’avaient rien de nouveau à annoncer.Cette pression morale est l'un des moteurs de la lutte contre les changements climatiques. L’architecture de l’Accord de Paris est guidée par ce principe : il n’y a pas vraiment de règles contraignantes, mais chaque signataire doit montrer patte blanche, dire ce qu’il fait en matière de protection du climat et en montrer les résultats.
Cette transparence crée une saine compétition qui incite les pays à en faire plus. Les sommets sont médiatisés, suivis et commentés. Aucun pays ne veut être le cancre du climat. Ils veulent être meilleurs que le voisin et agissent en conséquence.
Sans ces sommets, sans cette pression morale qui s’exerce naturellement, la protection du climat en souffrirait encore plus.
La crise climatique est un problème mondial qui appelle à une solution mondiale à cause de son extrême complexité. Quel enjeu aujourd’hui touche tout autant la santé, l’agriculture, la science, l’aide internationale, l’alimentation, l’aménagement du territoire, la sécurité des populations, et même la paix?
Impossible de penser pouvoir minimiser le problème sans se réunir pour ramer dans la même direction.
Le premier ministre Justin Trudeau et le ministre de l'Environnement Steven Guilbeault lors du Sommet Ambition Climat
Photo : The Canadian Press / Adrian Wyld
La pression sur le Canada
Quand il s’est assis à la tribune des Nations unies mercredi matin, Justin Trudeau a eu la démonstration très claire du pouvoir de cette pression morale qui s’exerce.
Quand elle l’a présenté avant son allocution, la secrétaire générale adjointe aux communications à l’
ONU, Melissa Fleming, a souligné d’entrée de jeu que le Canada est l'un des pays à avoir le plus augmenté sa production de combustibles fossiles l'année dernière. Le premier ministre a dû admettre que le Canada est un grand producteur de ces énergies et s’est défendu en listant les politiques mises en place depuis les deux ou trois dernières années pour améliorer les choses.De sommet en sommet, de COP en COP, l’image du Canada souffre de cette réalité. À son arrivée au pouvoir en 2015, Justin Trudeau avait insufflé un certain vent de fraîcheur à cet égard, après une décennie de l’administration de Stephen Harper.
Mais la lune de miel est terminée depuis longtemps. Ce déficit d’image sur la scène internationale crée une pression morale sur les dirigeants canadiens.
De bonnes sources me confient qu’à l’approche du Sommet sur l’ambition climatique, les ministres responsables ont multiplié les efforts pour que Justin Trudeau puisse annoncer à New York que le règlement sur le plafonnement des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur du pétrole et du gaz serait prêt avant la fin de l’année.
Ce sera même prêt à temps pour la COP28
, me dit le ministre fédéral de l’Environnement et du Changement climatique, Steven Guilbeault.
Le sommet aurait-il eu un effet accélérateur sur la politique canadienne? Si oui, c’est précisément le but du sommet d’António Guterres.
François Legault au Sommet Ambition Climat au siège de l'ONU à New York
Photo : The Canadian Press / Adrian Wyld
La pression sur le Québec
Qualifié de héros
par l’ancien vice-président américain Al Gore pour avoir interdit l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures au Québec, François Legault a de quoi pavoiser. C’est aussi en partie grâce à cette politique inscrite dans la loi en 2022 que le premier ministre a été invité par le secrétaire de l’ ONU au Sommet sur l’ambition climatique.
Je me souviens très bien que la mesure avait été annoncée, justement, à l'un de ces sommets climatiques, à la COP26 de Glasgow.
S’il peut être fier d’avoir été ainsi invité sur la scène internationale pour vanter son énergie propre, François Legault subira désormais cette fameuse pression morale qui émane des sommets sur le climat.
Le Québec est-il le héros climatique que décrit Al Gore? Peu importe la réponse, les politiques climatiques du gouvernement seront dorénavant scrutées de plus près, et pas qu’à l’intérieur du Québec.
Dans un avenir très proche, António Guterres a l’intention de faire une plus grande place aux gouvernements dits infranationaux
dans les négociations climatiques : les États, les provinces ou les villes, qui détiennent de nombreuses clés pour mieux protéger le climat.
En invitant François Legault à New York, le secrétaire général de l’
ONU a levé la barre d’un cran. Le premier ministre du Québec ne pourra qu’offrir mieux s’il veut toujours récolter de tels honneurs.Encore une fois, c’est la pression morale des grands sommets qui pourrait s’opérer et avoir des effets positifs sur l’action climatique du Québec.
Tant mieux!
Si grâce à ces sommets sur le climat, tout le monde finit par en faire plus, et plus vite, tout le monde en sortira gagnant.