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Langues autochtones : « On doit retrouver la fierté »

Une dame aux cheveux gris porte des lunettes rectangulaires.

Rita Mcleod, de la communauté crie de Waskaganish, comptait parmi les aînés qui sont venues à la défense des langues autochtones.

Photo : Radio-Canada / Alexis Gacon

Alexis Gacon

Positif, plutôt que décliniste, malgré la situation des langues autochtones, le premier Forum sur les droits linguistiques des Premières Nations du Québec, qui se tient mardi et mercredi au lac Delage, permet de discuter de solutions concrètes pour faire vivre ces langues. C'est aussi une occasion de passer des messages au gouvernement du Québec, à une trentaine de kilomètres de la colline Parlementaire.

Pour défendre une langue, il faut d’abord la célébrer. C’est le mantra du premier Forum sur les droits linguistiques des Premières Nations au Québec, organisé par le Comité régional sur les langues ancestrales.

Un homme aux cheveux longs.

Pour Charles Coocoo, toute traduction vient nier les spécificités et les facettes de sa langue.

Photo : Radio-Canada / Alexis Gacon

Pour Charles Coocoo, aîné et poète atikamekw de Wemotaci, célébrer sa langue, c’est par exemple fêter le sens du mot kuei, honorer sa richesse, affaiblie par toute traduction dans une autre langue. Le mot kuei, généralement traduit par bonjour, veut dire bien plus que cela, selon lui.

Kuei, c’est inviter la personne à prendre connaissance des multiples dimensions d’une personne. Écouter les oiseaux, avant que le soleil se lève. C’est important de les écouter, dire "kuei" au soleil.
Une citation de Charles Coocoo, aîné atikamekw de Wemotaci

Et il faut célébrer ces langues rapidement, avant qu'elles ne s'effacent, explique Marjolaine Tshernish, directrice générale de l’institut Tshakapesh. On dit qu’il faut trois générations pour qu’une langue se perde. Il faut miser sur la génération actuelle. C’est encore possible de renverser la tendance.

S’accrocher au positif

Un homme avec des lunettes.

Le directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations, Denis Gros-Louis.

Photo : Radio-Canada / Philippe Granger

Denis Gros-Louis, directeur général du Conseil en éducation des Premières Nations, croit aussi que le déclin des langues autochtones n'a rien d'inéluctable.

Il estime que leur renaissance est en marche, notamment en raison de l'entente sur l’éducation, (nouvelle fenêtre) signée en juillet 2022. Elle doit permettre, notamment, de recruter 600 nouvelles ressources dans les écoles de 22 communautés.

On voit déjà des changements. Dans la communauté mohawk de Kahnawake, l’école en immersion va permettre aux enfants d’apprendre en mohawk de la maternelle à la fin du secondaire. Ça veut dire que les futurs leaders de l’école vont devenir des promoteurs culturels et je pense qu’ils reviendront à la communauté ensuite.
Une citation de Denis Gros-Louis, président du Conseil en éducation des Premières Nations

Différentes figures influentes au sein des Premières Nations étaient aussi invitées à échanger au sujet de leurs rêves pour l’avenir des langues.

Une femme accotée contre le cadre d'une porte.

Marjolaine Étienne, présidente de Femmes autochtones du Québec.

Photo : Radio-Canada / Ivanoh Demers

Marjolaine Étienne, présidente de l’organisme Femmes autochtones du Québec, souhaite que les mères puissent être mieux épaulées pour transmettre à nouveau la langue. Les pensionnats autochtones ont brisé ce lien, pour plusieurs. Avec ma mère, la transmission de la langue ne s’est pas faite, raconte-t-elle. Parce que pour elle, parler sa langue, c’était risquer de faire subir à ses enfants ce qu’elle a subi. Elle s’est refermée.

Dans son organisme, elle dit entendre la voix des femmes et des kokums (les grand-mères) qui demandent que l’on reconnaisse leur rôle dans la transmission du patrimoine culturel. Quand on va reconnaître ce rôle-là, on va leur redonner la fierté. On doit retrouver la fierté.

Des messages à Québec

La première journée a aussi été l’occasion de faire passer quelques messages au gouvernement du Québec. Il a été plusieurs fois question des consultations publiques sur les langues autochtones, menées depuis le mois de mai dans le but de proposer un projet de loi pour les protéger.

Portrait de Ian Lafrenière au micro.

Le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière.

Photo : Radio-Canada / Félix Lebel

Pour Denis Gros-Louis, l’approche du ministre Ian Lafrenière à ce sujet était, au départ, plus que bancale. Il a voulu apparaître comme le sauveur des langues des Premières Nations. C’est un système "nous-vous" qui est contre-productif. Ce n’est pas dans la juridiction du provincial de légiférer sur ce sujet, qui ne lui appartient pas. Il a senti, après discussion avec le ministre, de l’ouverture de sa part pour revoir la façon de faire du gouvernement.

Le projet de loi 32 sur la sécurisation culturelle (nouvelle fenêtre) au sein du réseau de la santé et des services sociaux a aussi eu sa place dans les débats. Sarah Cleary, Innue de Mashteuiatsh et coordonnatrice du Comité régional sur les langues ancestrales, veut que ce forum aide les communautés à ne pas attendre d’être défendues par d’autres qu’elles-mêmes.

L’idée, c’est de donner des outils pour qu’on soit mieux informés. Le Québec a l’intention de légiférer sur nos langues, mais on est rendus à une étape où il faut faire fi de ce que le gouvernement fait. Ce n’est pas la relation qu’on veut avoir. On veut se développer nous-mêmes. Nos champs de compétence doivent nous revenir. On doit essayer de construire notre autonomisation.
Une citation de Sarah Cleary, Innue de Mashteuiatsh et coordonnatrice du Comité régional sur les langues ancestrales

À l’arrière de la salle de conférence, deux interprètes s’affairent à traduire en français et en anglais les paroles des intervenants. Dans 10 ans, imaginez qu’on ait des cabines d’interprètes pour toutes nos langues, imaginez! On se revoit dans 10 ans!, s’exclame, enthousiaste, Denis Gros-Louis.

Alexis Gacon

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