1. Accueil
  2. Société
  3. Emploi

Travailleurs étrangers et esclavage : « C’est effectivement la réalité », dit le milieu

(Archives) Des travailleurs étrangers temporaires s'affairent dans un champs.

Le rapporteur spécial des Nations unies affirme que les programmes de travailleurs étrangers temporaires du Canada sont « une forme contemporaine d'esclavage ». (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada

RCI

« Les travailleurs migrants [sont] vulnérables aux formes contemporaines d'esclavage. » Des organismes qui soutiennent les travailleurs étrangers lorsqu'ils arrivent au Canada sont d'avis que les propos du rapporteur spécial de l'Organisation des Nations unies (ONU) sont des mots qui frappent, mais qui représentent la réalité de certains migrants.

À l'issue d'une visite au Canada, le rapporteur spécial de l'Organisation des Nations uniesTomoya Obokota, a déclaré avoir été troublé (nouvelle fenêtre) par les récits d'exploitation qu'il a entendus de la part des travailleurs migrants au pays. Il demande aux autorités canadiennes de régulariser le statut de ces gens et de mettre fin au système fermé des permis de travail.

L'avocate en immigration Yasmine Guillaume dit observer que les travailleurs étrangers doivent tolérer leurs conditions de travail misérables en raison du permis de travail fermé. C'est effectivement la réalité. Ils sont souvent, malheureusement, victimes d'abus et c'est vraiment la nouvelle forme d'esclavage moderne, explique-t-elle après avoir entendu les propos de M. Obokota.

Yasmine Guillaume est en entrevue avec Radio-Canada.

Yasmine Guillaume est avocate en immigration.

Photo : Radio-Canada

Des accidents de travail sont également non reconnus par l'employeur dans certains cas et les travailleurs étrangers se font même parfois couper leur salaire, poursuit-elle.

Le coordonnateur du volet des travailleurs étrangers temporaires chez Actions interculturelles à Sherbrooke, Jasmin Chabot, soutient que les organismes qui viennent en aide aux migrants prennent de plus en plus de place au Canada et qu'ils ont permis d'améliorer les conditions de certains d'entre eux, mais que ce genre de situation est encore très marginal.

Jasmin Chabot est en entrevue avec Radio-Canada.

Le coordonnateur du volet des travailleurs étrangers temporaires chez Actions interculturelles à Sherbrooke, Jasmin Chabot.

Photo : Radio-Canada

Avec la pénurie de main-d'œuvre, avec la réalité du vieillissement de la population, ça prend un effort concerté des employeurs du gouvernement, des organismes communautaires, de tout le monde. Il faut vraiment réfléchir à comment améliorer le système, soutient le coordonnateur.

Il y a de très bons producteurs et employeurs, mais malheureusement, il y a des situations justement qui peuvent s'apparenter à de l'esclavagisme moderne.
Une citation de Jasmin Chabot, coordonnateur du volet des travailleurs étrangers temporaires chez Actions interculturelles

Les travailleurs étrangers qui viennent travailler au Canada doivent détenir un permis de travail fermé, ce qui les limite à un seul employeur pendant tout leur séjour, ce qui ouvre la porte aux abus, selon le rapporteur spécial. Si ce permis était ouvert, les travailleurs étrangers n'auraient qu'à changer d'employeur lorsque les conditions deviennent trop difficiles, croit-il.

Ouvrir les permis de travail

La directrice adjointe au Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec), Mélanie Gauvin, affirme que le réseau est satisfait des propos avancés par l'Organisation des Nations unies. Selon elle, la façon dont sont faits les permis de travail permet l'exploitation, la discrimination et à une forme de violence envers ces travailleurs étrangers.

Ces travailleurs-là ne sont pas des marchandises, mais des êtres humains à part entière.
Une citation de Mélanie Gauvin, directrice adjointe du Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec
Mélanie Gauvin en entrevue à Radio-Canada.

Mélanie Gauvin, directrice adjointe du Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec (RATTMAQ),

Photo : Radio-Canada

La directrice adjointe renchérit qu'il faut ouvrir les permis de travail. Le rapporteur va même jusqu'à dire qu'il faut leur donner la possibilité d'obtenir la résidence permanente pour ceux qui le souhaitent. Ce sont des besoins permanents auxquels ils viennent répondre dans le secteur de l'agriculture. Il y a encore des situations extrêmement difficiles pour ces personnes-là.

Le plus qu'on en parle, le mieux c'est pour les travailleurs. [Ils] sont enchaînés à un employeur spécifique qui est lié à leur permis de travail. Ça cause des situations qu'on pourrait avoir de la difficulté à [imaginer] au Canada et même ici au Québec.
Une citation de Mélanie Gauvin, directrice adjointe au Réseau d'aide aux travailleuses et travailleurs migrants agricoles du Québec

Le ministre Boulet perturbé et dérangé

Le ministre du Travail du Québec, Jean Boulet, affirme être perturbé et dérangé par les propos du rapporteur spécial. Il ajoute être conscient que les travailleurs étrangers temporaires peuvent être plus vulnérables, mais dit tout mettre en place pour améliorer leurs conditions.

Il est reconnu que plusieurs facteurs les rendent effectivement plus susceptibles de subir une lésion professionnelle ou une atteinte à leurs droits en matière de travail, comme la méconnaissance de leurs droits et le caractère temporaire de l’emploi. C’est pourquoi j’ai récemment bonifié la stratégie spécifique des Travailleurs étrangers temporaires de la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail pour intensifier ses actions de sensibilisation, peut-on lire dans sa déclaration écrite.

Avec les informations de Pierrick Pichette

À la une