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Avec l’inflation, les produits locaux sont de plus en plus compétitifs
Les producteurs locaux tirent leur épingle du jeu et offrent des produits à bon prix, malgré la hausse des coûts de production.

Les producteurs locaux sont devenus de plus en plus compétitifs et offrent même de meilleures aubaines que les supermarchés.
Devant une facture du panier d’épicerie plus salée, plusieurs consommateurs se tournent maintenant vers d’autres options, comme les marchés publics. Les producteurs locaux sont devenus de plus en plus compétitifs et offrent même de meilleures aubaines que les supermarchés, même si les coûts de production chamboulent leur modèle d'affaires.
À la coopérative Ferme terre partagée, à Rogersville, au Nouveau-Brunswick, on élève des animaux et on fait la production de légumes biologiques, vendus par l’entremise d’un programme de paniers de légumes hebdomadaires ou au marché public de la région.

Rébeka Frazer-Chiasson, agricultrice à la coopérative Ferme terre partagée
Photo : Radio-Canada / Babatundé Lawani
Rébeka Frazer-Chiasson, agricultrice à la coopérative, se réjouit de voir que les produits locaux font actuellement bonne figure comparativement aux légumes vendus sur les tablettes des supermarchés.
Ça devient vraiment intéressant que soudainement on se retrouve parfois même moins cher pour des légumes locaux et biologiques que pour des magasins qui sont issus de l’agriculture industrielle
, dit-elle.
Marché local : directement dans l’assiette du client
Il s’agit d’une tendance de plus en plus répandue, selon Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l'Université Dalhousie, qui remarque que les marchés publics sont de plus en plus compétitifs.

Sylvain Charlebois, directeur du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l'Université Dalhousie
Photo : Radio-Canada
C’est quand même intéressant comme phénomène. Et c’est généralement dû au fait qu'on a affaire à des circuits courts. Donc il y a moins de facteurs qui contribuent à une inflation au sein des marchés publics
, explique-t-il.
La très grosse majorité de nos ventes sont directes aux consommateurs
, ajoute Rébeka Frazer-Chiasson.
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Des coûts de production de plus en plus élevés
Ceci dit, l’inflation a néanmoins un impact bien réel sur la coopérative de Rogersville, surtout en ce qui a trait aux coûts de production.
La ligne des dépenses a grandi beaucoup, rapidement, et sur une très courte période de temps
, explique l’agricultrice, qui doit conjuguer avec la hausse de ses dépenses et le désir de continuer à offrir des produits abordables.
Selon elle, le dévouement de ses clients, qui participent au programme des paniers de légumes hebdomadaires, est très important. Plusieurs choisissent de payer ces frais dès l’hiver, pour aider la coopérative à produire ses récoltes et à rendre les paniers disponibles en juillet.
On apprécie l’investissement que les gens font dans la ferme, en acceptant de payer à l’avance pour leurs produits.
La pénurie de main-d’œuvre reste un défi de taille
Si les producteurs locaux doivent tenter de contrer l’inflation sur les coûts de production, ils doivent aussi faire face à une pénurie de main-d'œuvre qui vient compliquer les choses.
À Memramcook, le gérant du marché de viande Boudreau, Jocelyn Boudreau, remarque que ses ventes ont augmenté depuis la COVID-19, car la demande est là.
Mais le challenge, c’était vraiment le staff
, dit le gérant, qui ajoute que la facture de ses dépenses a aussi bondi, voire triplée, pour certains produits.
On ne trouve personne pour travailler!
lance Didier Laurent, propriétaire de la Fromagerie du fond des bois, à East Branch, au Nouveau-Brunswick.
Ne pouvant tout faire seul, il a maintenant décidé d’acheter son lait, au lieu de le traire, pour produire ses fromages au lait de chèvre et les vendre au marché. Cela engendre d’autres coûts, qu’il essaie de ne pas refiler aux consommateurs. Personnellement, j'ai pas changé mes prix, j’ai pris sur moi, mais c'est pas facile.
En Nouvelle-Écosse, le vigneron et propriétaire de la Maison Meuse et Fils, dans la Baie Sainte-Marie, Daniel Surette, affirme lui aussi que les coûts de production sont difficiles à absorber, même s’il continue d’offrir son vin blanc au même prix.
Il ne sait pas s’il pourra continuer à le faire bien longtemps, car l’incertitude plane sur l’industrie, en raison d’une période de gel en février dernier qui a détruit de nombreuses vignes (nouvelle fenêtre), et qui pourrait donc faire augmenter le prix des raisins utilisés dans la production du vin.
Encourager l’achat local, plus que jamais
En 20 ans, le Nouveau-Brunswick a perdu plus de 100 000 hectares de terres agricoles. Les fermiers ont du mal à trouver des gens prêts à prendre la relève (nouvelle fenêtre). Selon le député vert de Kent-Nord, Kevin Arseneau, la province a perdu 404 fermes depuis 2016. Ainsi, seulement 3 % des produits consommés par les Néo-Brunswickois sont produits dans la province.
Pourtant, la région de l’Atlantique devrait sans aucun doute investir dans la production de produits locaux et dans la promotion de ceux-ci, affirme Sylvain Charlebois. Il reste beaucoup de travail à faire en ce sens, selon lui.
Il y a plein de fermes, plein de producteurs, productrices, qui seraient très intéressés à produire plus, mais on n’a pas toujours le soutien de la part de l’institution gouvernementale pour le faire.
Pour l'instant, le marché atlantique est à la merci d’un paquet de facteurs, fluctuation monétaire, intempéries, on est toujours à un désastre de payer plus cher. Les produits alimentaires sont généralement plus chers en Atlantique qu'ailleurs au Canada
, soutient Sylvain Charlebois.

Selon le député vert de Kent-Nord, Kevin Arseneau, la province a perdu 404 fermes depuis 2016. Les agriculteurs ont du mal à trouver des fermiers prêts à prendre la relève.
Photo : Radio-Canada / Babatundé Lawani
Pour Rébeka Frazer-Chiasson, l’autonomie alimentaire ne peut être atteinte sans une volonté politique. Le gouvernement se doit d'appuyer les producteurs locaux et les produits de chez nous.
Elle croit que de plus en plus de clients choisissent de changer les choses, car leur consommation de produits locaux a un impact direct sur la croissance de leur communauté et sur la protection de leur environnement. Ça a un impact qui est plus grand que juste le choix de ce qu’ils mangent, ça, c’est quelque chose qu’on veut certainement reconnaître.
D’après les reportages de Sarah Claveau et de Babatundé Lawani