- Accueil
- Justice et faits divers
- Autochtones
Feux de forêt : la logistique imparable des Innus de Pessamit
Organiser l’évacuation de centaines de personnes, prévoir suffisamment de nourriture, installer les lits, faire appel aux familles d’accueil… En un rien de temps, les Innus de Uashat mak Mani-utenam et de Pessamit ont réussi à mettre en place une logistique efficace.
Rapidement, la Croix-Rouge a donné des lits de camp à Pessamit.
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung

On ne peut pas dire qu’un seul bénévole se tourne les pouces en ce moment. Tout le monde est sur le pont pour apporter confort et réconfort aux 400 évacués de Mani-utenam chez leurs amis de Pessamit, un peu plus à l’ouest, sur la Côte-Nord.
Dès jeudi, la cheffe de Pessamit, Marielle Vachon, était prête à cette éventualité. Elle avait déjà parlé à son homologue, Mike Pelash McKenzie, de Uashat mak Mani-utenam, lui disant que sa communauté était prête à offrir son aide.
Finalement, l’annonce est tombée vendredi. Tous les habitants de Mani-utenam, cette petite portion de la communauté installée près de l’aéroport de Sept-Îles, devaient avoir quitté leur logement à 17 h au plus tard.
Direction Baie-Comeau.
Puis des navettes sont venues de Pessamit récupérer ceux qui n’avaient pas pu se rendre par leurs propres moyens.
À l'entrée du centre communautaire, un bénévole s'occupe d'enregistrer les nouveaux arrivants, de leur donner le plan de la communauté et les numéros de téléphone importants.
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung
Comme tous les secteurs se connaissent, que ce soit les finances, l'éducation, la sécurité, on a rapidement pu se consulter et entrer en relation avec la Ville de Sept-Îles, ça a beaucoup aidé. Certaines barrières [de communication] tombent en temps de crise
, explique Djavan Habel-Thurton, directeur des communications au conseil de bande de Uashat mak Mani-utenam (ITUM).
En parallèle, à Pessamit, plusieurs édifices avaient déjà été réquisitionnés, comme l’aréna pour loger les personnes évacuées et le centre communautaire pour servir les repas.
Nous avons aussi lancé des appels grâce à la radio et aux réseaux sociaux pour trouver des bénévoles et des familles d’accueil. J’ai été grandement surpris par la réactivité des gens
, indique Christian Rock, agent de communication à Pessamit.
Tout est fait pour rendre la vie des évacués agréable.
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung
Samedi, dans la journée, un appel aux dons a aussi été lancé. Très vite, de nombreux Pessamiulnuat sont venus apporter couvertures, oreillers, linges, douillettes…
Quant aux lits de camp, une équipe du conseil de bande est allée à la Croix-Rouge, à Baie-Comeau, pour les récupérer. L’organisme leur a aussi fourni des serviettes, des couvertures et des oreillers. Le conseil de bande, lui, s’est chargé de fournir des trousses d’hygiène pour les évacués.
Les personnes les plus vulnérables ont été placées au centre de santé. Elles sont au nombre de sept et ont pu s’installer dans les logements réservés à la base aux infirmières qui, elles, ont été logées ailleurs.
La nourriture vient de Baie-Comeau et elle est cuisinée sur place par une dizaine de bénévoles. Rita et Bibiane Bacon sont ainsi aux fourneaux depuis 5 h du matin. On se lève tôt et on se couche tard… On commence à être fatiguées, alors on fait des siestes
, expliquent les deux femmes.
Les bénévoles sont en cuisine depuis 5 h ce matin et le seront toute la journée.
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung
Mais elles ne se plaignent pas. L’entraide est en elles depuis toujours. Lundi, 450 repas doivent être servis, car des gens qui s’étaient rendus à Québec ou Chicoutimi notamment arrivent à Pessamit.
Les frigos sont pleins, mais la cheffe Vachon avait anticipé et a pu louer un énorme camion réfrigéré.
Plus de 400 repas seront servis aujourd'hui à Pessamit, pour les évacués de Mani-utenam.
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung
Quotidiennement, les évacués peuvent aussi suivre la situation à Mani-utenam et à Sept-Îles. Leur chef s’adresse à eux par vidéo, en direct, sur un grand écran déroulé dans la salle communautaire.
C’est important de leur donner l'heure juste, car on doit vérifier les informations qui circulent sur les réseaux sociaux. Certaines se sont révélées vraies, d’autres fausses
, explique Christian Rock.
L’enjeu est aussi de maintenir un niveau d’anxiété relativement bas. Selon certains bénévoles, des évacués ont été victimes de crise d’angoisse. Pessamit a donc mis en place une ligne téléphonique d’urgence. Au bout du fil, quelqu’un du centre de santé peut les écouter.
Certains bénévoles sont clairement identifiés avec des gilets prêtés par la Croix-Rouge.
Photo : Radio-Canada / Delphine Jung
Sur place, il y a aussi une équipe de Uashat qui fait la liaison et qui est en contact permanent avec ITUM.
Ils recueillent les inquiétudes, les questionnements des membres pour qu'on puisse y répondre
, indique M. Habel-Thurton. Ils sont aussi là pour rassurer les aînés qui ne parlent pas toujours bien le français, ajoute-t-il.
Les élus de Pessamit sont aussi régulièrement en discussion avec leurs homologues pour suivre l’évolution de la situation.
On est très reconnaissants du leadership et de l'autonomie dont a fait preuve Pessamit. Ça nous a permis de nous concentrer sur ce qui se passait dans la communauté, ici.
Pour le moment, c’est le conseil de bande de Pessamit qui finance toutes ces opérations. Ce n’est pas encore le temps de gérer les questions d’argent.
Personne ne sait combien de temps cela va durer. En 1991, quand les feux de forêt faisaient rage dans leur secteur, les Pessamiulnuat sont restés 10 jours dans l’attente. Ils avaient été alors accueillis par la communauté de Mani-utenam. Mais Christian Rock l’assure, Pessamit peut tenir encore plusieurs jours dans cette situation.
En entrevue, le directeur des communications d'ITUM indique que l'évacuation est maintenue pour les prochaines 24 heures, car la situation est encore trop incertaine pour envisager un retour.