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Le ministre Rodriguez n’a pas l’intention de céder aux « menaces » de Facebook

Le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, compte tenir bon face aux mesures de rétorsion de Meta et de Google.
Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld
Au cours des prochains jours, de 1 % à 5 % des utilisateurs des plateformes Facebook et Instagram au Canada n’auront plus accès aux nouvelles produites par des médias traditionnels canadiens.
Cette mesure de rétorsion de la multinationale contre l’adoption du projet de loi C-18, qui prévoit, entre autres, le partage d’une partie des revenus que Facebook et Google engrangent au Canada grâce aux médias traditionnels, privera entre 240 000 et 1,2 million de Canadiens des nouvelles publiées par les grands médias nationaux.
Ces pressions exercées par Meta, la société mère de Facebook et d'Instagram, visent directement le gouvernement Trudeau pour qu’il apporte des amendements à son projet de loi actuellement étudié au Sénat ou qu’il le retire purement et simplement.
Dernièrement, le géant Google a lui aussi annoncé qu’il mènerait des essais en juin afin d'empêcher certains utilisateurs canadiens de voir les articles, les reels
et les stories
publiés par les médias d'information canadiens sur ses plateformes.
En entrevue vendredi à l’antenne d’ICI Première, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, a assuré qu’il ne comptait pas s’en laisser ainsi imposer.
Vous avez ici le parfait exemple de gens du web qui sont énormes, qui sont riches, puissants, influents, avec de gros avocats, qui viennent dire à un pays souverain : "Je n’aime pas ce que vous faites avec votre loi, [alors] vous êtes mieux de la changer, sinon moi, je me retire."
Moi, je vois ça comme une menace. Je n’ai jamais fonctionné sous le signe de la menace et je ne le ferai jamais non plus.
Questionné sur une éventuelle ouverture de sa part pour modifier sa loi ou, à tout le moins, en discuter avec les patrons de Meta, le ministre a déclaré : Ma porte est toujours ouverte. Ils ont mon numéro de cellulaire.
Mais je dirais, de façon générale, qu’ils ne veulent pas être réglementés, a-t-il ajouté. Ils ont combattu C-11, mon projet de loi pour aider le milieu de la culture, ils combattent C-18, qui est là pour aider nos médias et nos salles de nouvelles.

Le reportage de Valérie-Micaela Bain.
Le Canada est le deuxième pays dans le monde à se doter d’une telle loi, après l'Australie. En février 2021, l’Australie avait aussi été la cible de pressions (nouvelle fenêtre) de la part des géants d’Internet avant d’en arriver à une entente.
Pablo Rodriguez estime cependant que les Meta et Google de ce monde pourraient se montrer plus durs dans leur approche avec le Canada parce qu'il s’agit d’un pays voisin des États-Unis où des États, notamment la Californie, travaillent à des lois similaires pour protéger leurs médias.
Les géants du web pourraient donc être tentés, croit-il, de faire du Canada un exemple.
On va résister à ça, répond M. Rodriguez. Ils ne viendront pas nous dire comment écrire nos projets de loi, comme moi je ne leur dis pas comment gérer leur entreprise.
Le ministre s’inquiète par ailleurs de l’effet que pourraient avoir ces embargos aléatoires
de nouvelles sur les réseaux sociaux dans des périodes où les citoyens ont besoin des informations véhiculées par le gouvernement pour leur sécurité. Il a donné l'exemple actuel des feux de forêt.
M. Rodriguez a rappelé qu’en Australie, plusieurs pages Facebook du gouvernement avaient été coupées par mesure de rétorsion.
Une décision purement commerciale

Meta est la maison mère notamment des réseaux sociaux Facebook et Instagram.
Photo : Reuters / Dado Ruvic
Du côté de Meta, la responsable des politiques publiques de l’entreprise pour le Canada, Rachel Curran, a confirmé que des essais seront menés en juin afin de vérifier tout problème avant que Facebook et Instagram bloquent complètement les contenus des médias.
Selon Mme Curran, le retrait des contenus journalistiques des plateformes de Meta est une décision purement commerciale. Les sommes qu’engrange l’entreprise en provenance des articles des médias sont négligeables, selon elle.
Selon Meta, moins de 3 % des publications vues par les utilisateurs de Facebook sur leur fil d'actualité contiennent des liens vers des articles journalistiques, une proportion déjà jugée trop élevée par de nombreux utilisateurs, souligne-t-elle.
Nous faisons face à de nombreuses pressions concurrentielles et à une bataille pour mériter le temps et l'attention des utilisateurs
, a déclaré Mme Curran à La Presse canadienne.
Bien sûr, les nouvelles ont une valeur d'un point de vue social. C'est précieux pour notre démocratie. Mais elles n'ont tout simplement pas beaucoup de valeur commerciale ou économique pour notre entreprise
, conclut-elle.