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Hausse des menaces : la GRC protégera ministres et hauts fonctionnaires

Ottawa financera une augmentation importante des services de protection de la Gendarmerie royale du Canada dans un contexte politique de plus en plus toxique.

Un agent de la GRC devant le parlement du Canada, à Ottawa.

Un agent de la GRC devant le parlement canadien, à Ottawa

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Daniel Leblanc
Daniel Leblanc

La GRC s’apprête à offrir des services de protection supplémentaires à une dizaine de hauts dirigeants fédéraux en réponse à la hausse de la menace de violence politique au pays, affirment plusieurs sources.

Selon les informations obtenues par Radio-Canada et Canadian Broadcasting Corporation, de nouvelles équipes sont en voie d’être créées pour assurer la protection de ministres qui sont la cible de menaces précises, mais aussi de fonctionnaires au cœur de controverses politiques.

Ces nouvelles unités de protection seront attribuées au cas par cas à des ministres ou à des fonctionnaires, selon une évaluation de risque menée par la Gendarmerie royale du Canada.

Alors que plusieurs ministres réclament des services de garde rapprochée depuis des années, le fait que certains fonctionnaires pourront bénéficier de la protection de la Gendarmerie royale du Canada démontre que les craintes de violence se sont répandues à la haute fonction publique.

Nous avons pu observer durant la pandémie au Canada et ailleurs qu’en plus des politiciens, les fonctionnaires peuvent aussi faire l’objet de menaces. Il est donc logique de leur offrir une plus grande protection pendant certaines périodes de temps, en fonction d’une évaluation de la part de professionnels du milieu de la sécurité et des forces de l’ordre.
Une citation de Michael Wernick, greffier du Conseil privé du Canada de 2016 à 2019
Michael Wernick tient une feuille de papier sur un bureau dans une salle d'audience.

Michael Wernick lors d'une audience du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

Le nouveau filet de protection s’ajoutera aux équipes qui assurent déjà la protection du premier ministre et de la gouverneure générale de manière permanente.

Quelques ministres ont bénéficié de pelotons de protection au cours des dernières années, mais les services étaient offerts sur une base temporaire sans l’octroi de ressources additionnelles à la Gendarmerie royale du Canada. De plus, la police fédérale souffre d’une pénurie d’agents de protection et les équipes en place peinent à répondre aux demandes du gouvernement.

Afin d’étendre ses services de protection, la Gendarmerie royale du Canada recevra un financement supplémentaire de la part du gouvernement dans le but de doubler le nombre d’agents de protection dans ses rangs, affirment des sources au fait du dossier.

Toutefois, il n’est pas question pour l’instant d’accorder des services de protection aux simples députés, aux chefs de l’opposition ou aux adjoints politiques, même si plusieurs d’entre eux ont aussi subi des menaces au cours des dernières années.

Pour cet article, Radio-Canada et Canadian Broadcasting Corporation ont accordé la confidentialité à des sources qui n’avaient pas l’autorisation de parler publiquement de questions de sécurité ou d’enjeux qui sont devant le cabinet et le Conseil du Trésor.

Hausse de la menace

Pour expliquer l’expansion des services de protection, plusieurs sources évoquent de nombreuses menaces contre des élus et leur famille qui ont été faites en personne ou en ligne au cours des dernières années.

Certaines menaces venaient d’opposants aux mesures sanitaires liées à la pandémie de la COVID-19, mais aussi en lien avec des dossiers chauds comme le contrôle des armes à feu, le développement des ressources naturelles ou même la controverse à Hockey Canada, selon nos sources.

Parmi les fonctionnaires qui ont été la cible de menace, l’exemple le plus souvent cité est celui de Theresa Tam, l'administratrice en chef de la santé publique du Canada qui a été au cœur de l’actualité durant la pandémie de la COVID-19.

La docteure Theresa Tam mettant un masque sur son visage.

L'administratrice en chef de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, lors d'une conférence de presse en mars 2023

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

De nombreux ministres ont aussi été confrontés à des messages agressifs et violents en ligne ou en personne, comme un incident l’an dernier où la ministre des Finances Chrystia Freeland a été invectivée par un homme costaud en entrant dans un ascenseur.

Nos sources ajoutent que de nombreux cas de menaces contre des hauts dirigeants fédéraux n’ont jamais été publicisés.

De plus, toujours selon nos sources, de nombreux ministres et adjoints politiques trouvent que la Gendarmerie royale du Canada ne prend pas assez au sérieux certaines menaces précises contre les membres du gouvernement.

Ancien sous-commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, Pierre-Yves Bourduas croit que le gouvernement n'a pas le choix de s’adapter à la hausse des menaces contre ses hauts dirigeants.

C'est la nouvelle normalité pour les forces de l'ordre de voir à ce que cette polarisation-là demeure sous contrôle, pour éviter justement que l'on passe de la parole à l'acte avec des actes de violence contre des individus ciblés, affirme-t-il.

Richard Fadden, un expert en sécurité et ancien haut fonctionnaire, parle d'une tendance mondiale qui touche aussi le Canada.

Aujourd'hui, il y a une plus grande distance entre le gouvernement et certains groupes qui sont généralement mécontents. Avec la capacité de l'Internet, les échanges sociaux, ce genre de mécontentement peut facilement être accéléré, augmenté et ça ne prend pas beaucoup d'efforts pour [...] être enclin à une certaine violence, dit-il.

Une retraite du cabinet qui a marqué les esprits

La retraite de trois jours du conseil des ministres de Justin Trudeau en janvier à Hamilton, en Ontario, a illustré le sentiment de vulnérabilité de plusieurs ministres, selon nos sources.

Après un souper, Justin Trudeau a pu se frayer un chemin à travers une foule d’opposants aux mesures sanitaires grâce à son équipe de protection, pour se rendre jusqu’à son hôtel de l’autre côté de la rue.

Un homme qui tient un drapeau canadien crie face à un mur vitré.

Des manifestants étaient rassemblés devant l'édifice qui accueillait les ministres en janvier.

Photo : La Presse canadienne / Nick Iwanyshyn

Les ministres restés derrière au restaurant, toutefois, se seraient sentis particulièrement dépourvus face à la foule en colère à l’extérieur.

Des sources libérales sur place se souviennent de la désorganisation qui régnait parmi les forces policières, de même qu’un sentiment général d’insécurité.

Ce qui m’a frappé, c’est le manque de planification. Les policiers n’avaient pas prévu comment nous extraire de la situation, se rappelle une source.

Après de longues discussions, les membres du gouvernement ont traversé la foule de manifestants dans un groupe serré avec l’aide de la police de Hamilton et d’au moins un membre de la Gendarmerie royale du Canada, absorbant cris et insultes tout en craignant que la situation ne dérape.

Un manifestant passe devant des policiers en file devant un bar.

Un manifestant passe devant des policiers en file devant un bar de Hamilton où se déroule la retraite du cabinet libéral, le mardi 24 janvier 2023.

Photo : La Presse canadienne / Nick Iwanyshyn

Ils nous ont sortis toute la gang ensemble… Ç’aurait pu être catastrophique, craint cette source en rappelant les menaces auxquelles font face les ministres au quotidien dans le contexte post-pandémique.

Selon plusieurs sources, cet événement a confirmé aux yeux de plusieurs ministres le besoin de mesures supplémentaires de protection, pour eux-mêmes ou pour leurs collègues.

Certains ministres ne se sentent pas particulièrement menacés, selon nos sources, mais la majorité sont d’avis que certains ministres doivent bénéficier de services de protection.

Les députés seront aussi mieux protégés

La Chambre des communes a aussi mis en place des mesures récemment pour mieux protéger les députés lors d’événements dans leur circonscription.

Lors d’une réunion du bureau de la régie interne en décembre dernier, la Chambre a lancé un projet pilote pour assumer les coûts de sécurité lors d’événements organisés par des députés à l’extérieur de la cité parlementaire.

Pour obtenir le financement, il suffira que le Sergent d’armes de la Chambre des communes procède à une évaluation de la sécurité et identifie un problème de sécurité suffisant qui nécessite une présence de sécurité sur place.

Mark Holland, le leader du gouvernement à la Chambre des communes, dit que les députés peuvent maintenant bénéficier d’une série de services de sécurité supplémentaires comme de la formation, de l’équipement et des conseils, de meilleurs contacts avec leur service de police local et des évaluations de risque.

Daniel Leblanc
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