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Des Innus montrent la porte à l’industrie forestière sur leur territoire ancestral

Des personnes qui tiennent une bannière.

Le collectif Mashk Assi veut défendre le territoire ancestral innu.

Photo : Radio-Canada / Gabrielle Morissette

Priscilla Plamondon Lalancette
Gabrielle Morissette

Le Collectif Mashk Assi et des gardiens du territoire ancestral innu veulent forcer l’arrêt des coupes forestières au nord de la réserve faunique des Laurentides et dans le bassin versant du lac Kénogami au Saguenay.

Au cours de la fin de semaine, alors que les chantiers forestiers étaient inactifs, des militants ont collé des avis d’expulsion sur les abatteuses. Ils réclament un moratoire sur l’exploitation forestière.

Les gardiens et gardiennes du Nitassinan, territoire souverain et non cédé du peuple innu, ordonnent l’évacuation immédiate de tous les employés et sous-contractants des entreprises suivantes : Scierie Girard, Scierie Martel, Groupe Forestra, Groupe Lignarex, Scierie du Lac-Saint-Jean, Produits forestiers Résolu, Coopérative forestière Ferland-Boilleau, peut-on lire sur les affiches.

Ces Innus avertissent qu’à partir du 30 mai, les compagnies ne pourront plus accéder au territoire de leurs ancêtres, sauf pour sortir leur équipement, et qu’à défaut de se conformer, elles s'exposent à des poursuites judiciaires.

Michael Paul, un artiste de Mashteuiatsh qui s’est fait connaître grâce à sa musique engagée pour préserver l’environnement, la forêt et l’eau de la Terre-Mère, fait partie du groupe. Il a érigé des structures en bois qui rappellent celles des tipis sur les sites de coupes forestières afin de signifier la présence ancestrale de son peuple.

Un homme qui brandit une affiche.

Le Collectif Mashk Assi veut forcer l’arrêt des coupes forestières au nord de la réserve faunique des Laurentides et dans le bassin versant du lac Kénogami. Sur la photo, Michael Paul, membre du collectif.

Photo : Radio-Canada / Gabrielle Morissette

Les arbres sont des êtres vivants qui ont un esprit dans notre culture. Les forêts anciennes sont importantes. Les animaux sont déplacés, ils n'ont plus de place où aller. Notre identité est reliée aux forêts, à la biodiversité, c'est une relation qu'on a, souligne avec émotion Michael Paul. Ces gens-là ne nous prennent pas au sérieux. Eux, ils voient la forêt en matière de profits, d'argent. Ils n'ont pas la même vision que nous. C'est pour ça qu'on en est rendu là aujourd'hui, ajoute M. Paul.

Celui qui se présente comme un gardien innu et un chasseur-cueilleur du secteur Belle-Rivière indique que les compagnies forestières, le gouvernement québécois et le gouvernement canadien recevront un avis formel d’expulsion par courrier recommandé lundi matin.

On n'a pas donné notre consentement et on ne le donnera pas non plus. On ne veut aucune coupe. Ça fait des années et on ne se fait pas entendre. Là, c’est un point de non-retour. C’est pour la survie.
Une citation de Michael Paul, militant

Le Collectif Mashk Assi estime que les opérations de l’industrie forestière près de la rivière aux Écorces, de la rivière Pikauba et dans le secteur Belle-Rivière sont illégales puisque les familles gardiennes du territoire n’auraient pas été consultées, tel que le prévoient leurs droits millénaires.

En détruisant nos forêts, vous détruisez notre milieu de vie et vous violez notre droit de léguer notre territoire, notre identité, et notre mode de vie ancestral aux générations futures, mentionne l’avis d’expulsion.

Une affiche du Nitassinan.

L'avis d'expulsion est en vigueur immédiatement.

Photo : Radio-Canada / Catherine Fillion

Les Innus déplorent notamment que des coupes soient prévues près d’un site patrimonial identifié pour le rassemblement des Premières Nations et des lieux de sépulture de leurs ancêtres. Denise Xavier qui est aussi membre du collectif se désole de voir ces endroits sacrés être piétinés par de la machinerie.

C’est par chez nous. Mon arrière-grand-père y est enterré. Quand papa est allé voir, il n’était pas capable de reconnaître la place parce qu’il n’y avait plus d’arbres, confie Mme Xavier.

Les Autochtones qui vivent et chassent sur le Nitassinan appuient d’ailleurs le projet d’aire protégée pour préserver les secteurs visés par des coupes au sud du lac Kénogami.

Une affiche portant le titre avis d'expulsion.

Plusieurs entreprises forestières sont visées par l'avis d'expulsion.

Photo : Radio-Canada / Catherine Fillion

Michael Paul indique que le Conseil de bande de Mashteuiatsh n’a pas d'autorité sur ce territoire traditionnel des Innus qui est situé en dehors de la réserve. Il rappelle aussi que les gardiens du Nitassinan n’ont jamais cédé leurs droits ancestraux, ni par voie de traité ni par voie de conquête.

Le non-respect de cet ordre d’expulsion vous rendra passibles de poursuites judiciaires pour la violation de nos droits humains et ancestraux. Nous considérons que le déni de notre souveraineté et le saccage de notre territoire constituent une poursuite du génocide des Autochtones.
Une citation de Collectif Mashk Assi

« Les familles gardiennes du Nitassinan vous demandent de cesser toutes vos activités forestières et de quitter notre territoire sur le champ. Votre présence sur le Nitassinan constitue une infraction de l’innu tipenitamun, la souveraineté innue sur les 571 000 km2 du Nitassinan, et l’uetshit takuaimatishun, la mise en œuvre de l’autodétermination du peuple innu », précise aussi l’avis d’expulsion.

Vers un blocage?

Dans une lettre envoyée au ministère des Forêts et des Ressources naturelles, il y a deux semaines, Michael Paul avait signalé que les membres du groupe Mashk Assi étaient inquiets et qu’ils demandaient la suspension de toute activité forestière. Ils avertissaient du même coup le gouvernement de leur intention de fermer les chantiers et de déposer une injonction, si nécessaire.

Or, au cours de la dernière semaine, plusieurs citoyens ont remarqué que la machinerie des compagnies forestières était tout de même à l'œuvre.

La structure du tipi.

Le groupe a érigé un tipi dans la réserve faunique des Laurentides.

Photo : Radio-Canada / Catherine Fillion

Si les demandes du collectif ne sont toujours pas entendues, les activistes assurent que des actions concrètes seront posées cette semaine avec le soutien des Atikamekw.

Depuis le début de mars, des Atikamekw de Wemotaci bloquent un chemin forestier au nord de La Tuque pour protester contre l’exploitation forestière de leur territoire ancestral. Ce blocage s’ajoute à celui qui existe depuis plus d’un an à Manawan, l’autre communauté atikamekw de la Haute-Mauricie.

Priscilla Plamondon Lalancette
Gabrielle Morissette

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