- Accueil
- Société
- Autochtones
Harcèlement et représailles à l’APN : l’enquête donne raison aux plaignants
La cheffe de l’Assemblée des Premières Nations du Canada, RoseAnne Archibald (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby
Deux employés de l’Assemblée des Premières Nations du Canada ont subi du harcèlement et des représailles de la part de la cheffe nationale RoseAnne Archibald, conclut une enquête externe.
Le rapport sommaire de l’enquête, obtenu par CBC News, précise que les cinq employés qui ont porté plainte contre Mme Archibald ont été victimes de représailles et de violation de la confidentialité.
Il décrit l'environnement de travail à l’hautement politisé et divisé
.
Mme Archibald a obtenu en avril des rapports individuels des allégations faites par chacun des plaignants. Elle n’aurait toutefois pas reçu le rapport sommaire de l’enquête, selon les informations transmises par son bureau.
Les derniers développements montrent encore que l’enquête des ressources humaines est conduite d’une manière coloniale et porte à l'affrontement. C’est ainsi depuis le début
, a déclaré Mme Archibald à CBC News.
Une fois que le rapport complet aura été transmis à l’ APN, ils [les membres constituants] comprendront que j’ai été substantiellement exonérée en tant que cheffe nationale.
Le comité exécutif de l’
APN a engagé une firme externe pour enquêter sur les plaintes formulées par quatre employés contre RoseAnne Archibald. Une cinquième plaignante s’est ensuite manifestée. L’avocate en droit du travail Raquel Chisholm, une partenaire du cabinet ottavien Emond Harnden, a supervisé l’enquête qui a été lancée le 14 juin 2022.CBC News a pu confirmer que les quatre premiers plaignants faisaient partie des employés d'expérience qui travaillent au bureau de Mme Archibald. La cinquième plaignante est l’ancienne présidente-directrice générale Janice Ciavaglia, qui a quitté l’organisation au début de 2023. Quatre des cinq plaignants sont des femmes.
Il n’y a aucun doute que [Mme Archibald] n’a pas respecté les clauses de confidentialité
, peut-on lire dans le rapport d’enquête. En faisant des déclarations qui remettent en question les motifs, les intentions et l’intégrité des membres du personnel qui ont porté plainte, [Mme Archibald] s’est livrée à des représailles.
Une rencontre déterminante
Le rapport sommaire de l’enquête a été distribué aux chefs des Premières Nations du pays jeudi, en prévision de la réunion virtuelle de l’
APN prévue le 28 juin. L’avenir de Mme Archibald en tant que cheffe nationale de l’organisation y sera décidé.En juin 2022, les chefs régionaux avaient suspendu Mme Archibald après le dépôt des premières plaintes à son encontre.
Sa suspension a été levée et Mme Archibald a survécu à une nouvelle tentative d’éjection lors de l’assemblée générale annuelle de juillet 2022, à Vancouver. La majorité des chefs de l’assemblée ont choisi d’attendre que l’enquête soit terminée avant de se prononcer.
Au cours de cette même assemblée, les chefs ont adopté une résolution pour répondre aux allégations de corruption à l’
APN en créant un comité chargé de réviser les pratiques financières de l’organisation.Les membres du comité exécutif de l’recommandant de retirer les fonctions de cheffe nationale à Mme Archibald (nouvelle fenêtre) à la prochaine assemblée, après consultation des conclusions détaillées de l’enquête.
APN, composé de chefs régionaux, ont unanimement approuvé à la fin d'avril une résolutionPas de preuve de collusion
Le rapport sommaire distribué aux chefs de l’assemblée n’inclut pas de détails concernant les gestes de harcèlement posés par Mme Archibald à l’endroit de deux employés.
Même si ce n’est pas perçu comme un comportement récurrent, nous concluons que c’est suffisamment sérieux
, indiquent les responsables de l’enquête.
Le rapport fournit toutefois des détails sur la manière dont Mme Archibald a contrevenu aux règles de confidentialité de l’
AFN en s’attaquant aux plaignants par des déclarations publiques. Quatre employés avaient alors été visés par la cheffe.Le 16 juin 2022, RoseAnne Archibald a déclaré publiquement que l’enquête avait été déclenchée par quatre employés qui tentaient de mettre la main sur plus d’un million de dollars en paiement de contrats
et qu’il s’agissait d'une tentative désespérée
de l’empêcher de dévoiler des malversations à l’intérieur de l’ APN
.
Le jour suivant, elle a fait une deuxième déclaration clamant que les quatre employés en question étaient engagés dans un stratagème de collusion pour s’enrichir.
Le rapport d’enquête atteste qu’il n’y a aucune preuve à cet effet.
En tant que cheffe de l’organisation, Mme Archibald a une responsabilité additionnelle de respecter les règlements et de s'y conformer
, peut-on lire dans le rapport sommaire.
Mme Archibald a justifié ses déclarations par sa responsabilité et son devoir de transparence face à l’assemblée. Elle a insisté auprès des enquêteurs sur le fait qu’elle n’a pas fourni de noms ni fait de déclarations trompeuses.
Il n’y a rien dans le code de conduite ou dans le serment d’office qui permet de contrevenir à la politique de confidentialité et qui suggère que son rôle justifie ces déclarations
, dit le rapport.
Tort à la réputation
Les enquêteurs affirment que les actes de représailles et les violations de la confidentialité contre la cinquième employée, l’ancienne présidente-directrice générale Janice Ciavaglia, étaient différents.
Ils rapportent que Mme Archibald a fait une déclaration publique explicite qui ciblait Mme Ciavaglia. Au même moment, elle faisait circuler par des courriels et des mémos une fausse allégation selon laquelle Mme Ciavaglia la poursuivait pour diffamation.
Ces actions ont causé du tort à la réputation de Mme Ciavaglia, qui a fermé ses comptes sur les réseaux sociaux après avoir reçu des menaces de mort, explique le rapport.
Les enquêteurs ont mené plus de 30 entrevues, notamment avec les cinq plaignants, Mme Archibald et plusieurs témoins.
Après avoir reçu les rapports individuels d’enquête sur les cinq plaignants, en avril, Mme Archibald a déclaré qu’elle était prise pour cible.
Sa déclaration violait la directive donnée par les chefs de l’
APN qui demandait à Mme Archibald de ne pas commenter publiquement les conclusions de l’enquête avant qu’elles soient transmises aux leaders des Premières Nations, précise le rapport.Mme Archibald avait déjà fait l’objet d’une enquête pour intimidation et harcèlement en milieu de travail lorsqu’elle était cheffe régionale de l’Ontario. L’enquête lancée en 2021 n’avait pas abouti puisque aucun des 10 plaignants n’avait voulu déposer une plainte formelle par peur de représailles.
Avec les informations d'Olivia Stefanovich, de CBC News