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Analyse

Budget fédéral : le navire libéral ballotté par les flots

Justin Trudeau et Chrystia Freeland posent pour les journalistes avec le document du budget en main.

Le premier ministre Justin Trudeau accompagnait la ministre des Finances, Chrystia Freeland, avant la présentation de son budget à la Chambre des communes.

Photo : La Presse canadienne / Justin Tang

Fannie Olivier
Fannie Olivier

Avec son budget déposé mardi, le gouvernement Trudeau agit comme un navire qui tangue au gré de vagues bien supérieures à la force de son gouvernail. La politique verte américaine, l'inflation et l'entente avec les néo-démocrates sont autant d’impératifs qui rendent difficile de garder le cap.

L'une de ces vagues vient du Sud, avec ces investissements massifs adoptés aux États-Unis pour stimuler la transition verte. Devant la menace de voir les investissements technologiques et énergétiques fuir chez son voisin, le Canada n'a d'autre choix que de répondre avec son propre plan.

La ministre des Finances annonce donc un investissement de près de 80 milliards de dollars sur 10 ans sous forme de différents crédits d'impôt remboursables, pour l'électricité et les technologies propres, notamment.

Chrystia Freeland se défend d’être à la remorque des États-Unis dans ce dossier : le Canada investissait déjà dans les énergies vertes avant les autres et a fixé un prix sur le carbone dès 2019. Mais devant l’ampleur de ce qui était dépensé de l’autre côté de la frontière, la ministre se devait de donner un sérieux coup de barre.

Atténuer les effets de l’inflation

L’autre vague qui frappe Ottawa – et l’ensemble du monde – est celle de l’inflation. Alors que beaucoup de familles peinent à joindre les deux bouts, le gouvernement Trudeau devait envoyer le message qu’il se préoccupe de ceux qui en arrachent. Il propose donc son remboursement pour l’épicerie, avec un montant qui peut atteindre 467 $ pour un couple avec deux enfants.

En réalité, sans l'enrobage marketing, ce remboursement n’est rien d’autre qu’un chèque unique auquel les Canadiens aux revenus modestes auront droit.

Le gouvernement propose également une kyrielle de mesures qui pourront donner un modeste coup de pouce aux plus vulnérables. Le gouvernement Trudeau était contraint de donner un peu d’air aux ménages qui souffrent le plus de l’inflation – il aurait paru bien déconnecté des gens s’il avait ignoré leur portefeuille.

Le navire libéral s’est aussi fait bringuebaler par des impératifs politiques.

Pour rester capitaine, Justin Trudeau doit garder heureux les néo-démocrates. Mais la mesure phare de l’entente entre les deux partis est de plus en plus coûteuse : plus du double que ce qui était prévu.

En effet, la facture associée au programme d’assurance dentaire s’élève désormais à 13 milliards pour les cinq prochaines années. Même si Chrystia Freeland assure qu’elle est fière de mettre en avant un tel programme, il reste que c’est une mesure qui ne figurait pas dans le programme électoral libéral et qui est adoptée grâce à la pression des néo-démocrates.

Freeland optimiste

Devant tant d’impératifs, il est difficile de garder le cap sur une destination qu'on est seul à établir.

On peut lire dans le document déposé mardi que les économistes s’attendent à une récession modérée. Malgré cette tempête, la ministre a conclu son discours en Chambre en affirmant qu’elle n’avait jamais été aussi optimiste quant à l’avenir de notre pays.

Mais elle est l’une des rares à porter ces lunettes roses.

Plusieurs analystes s’inquiètent de la viabilité des finances publiques, avec toutes ces dépenses qui s’accumulent, et l’horizon d’un retour à l’équilibre budgétaire qui s'éloigne.

Après avoir brièvement prévu un retour au déficit zéro dans son énoncé économique cet automne, Chrystia Freeland le repousse désormais aux calendes grecques. Même le ratio dette/produit intérieur brut en prend pour son rhume : il montera à 43,5 % en 2024-2025 et ne redescendra sous la barre du 40 % qu’en 2027-2028.

Devant ce paysage économique qui semble s’assombrir, certains lèvent désormais un drapeau rouge : il suffirait d’un imprévu pour que le bateau prenne l’eau.

Fannie Olivier
Fannie Olivier

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