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« Il y aura d’autres chemins Roxham ailleurs »

Une famille de demandeurs d'asile de la Colombie est accueillie par un agent de la GRC au chemin Roxham le 9 février. (Photo d'archives)
Photo : (Ryan Remiorz/The Canadian Press)
L’entente entre Ottawa et Washington sur les migrations irrégulières et la fermeture du chemin Roxham (nouvelle fenêtre), qui a été révélée jeudi par les médias, demeure peu claire aux yeux des spécialistes. Certains d’entre eux pensent même que ce serait une fausse bonne idée aux effets pervers.
Le gouvernement fermera dès minuit le chemin Roxham et les infrastructures associées aux services offerts aux demandeurs d’asile.
De la même façon qu’ils se font refouler vers les États-Unis, considérés comme un pays sûr, ils se verront refuser l’entrée sur le territoire canadien s’ils tentent de passer entre les postes frontaliers officiels, comme par le chemin Roxham.
Cette entente vient régler un problème politique pour le gouvernement de Justin Trudeau, talonné par l'opposition qui lui reproche d'avoir perdu le contrôle de la situation.
Mais cela soulève également de nombreuses questions, notamment la façon dont on devra gérer les frontières. Devra-t-on patrouiller plus souvent tout le long de nos frontières avec les États-Unis?
En entrevue à l'émission Tout un matin diffusée sur ICI Première, Frantz André, membre du Comité d'action des personnes sans statut (CAPSS), se dit surpris
.
Ce que cela me dit, c’est que finalement on va avoir des agents frontaliers qui n’ont pas forcément la formation pour évaluer qui est recevable ou pas
, confie-t-il, s’interrogeant sur la façon de procéder des autorités.
Est-ce une préaudience [pour les migrants] qui va avoir lieu à la frontière? Et sur quelle base va-t-on refuser et accepter?
, se demande M. André pour qui la fermeture du chemin Roxham n’est pas la bonne solution.
Si on ferme le chemin Roxham, il y aura d’autres chemins Roxham ailleurs.
Créer d'autres problèmes
Mireille Paquet, professeure à l’Université Concordia et titulaire de la Chaire de recherche sur la politique de l’immigration, n’en pense pas moins.
On a encore beaucoup d’inconnues sur la façon dont ça va être mis en œuvre. […] C’est une solution qui va créer d’autres problèmes
, dit-elle.
Si l’objectif était de s’assurer de limiter les arrivées à la frontière, il y a des raisons de penser que ça va seulement changer la façon dont les gens vont s’y présenter.
Pour Mme Paquet, ce n’est pas une bonne nouvelle
. 0n risque de voir des gens passer par des chemins moins connus, moins surveillés, explique-t-elle. Ces gens vont probablement aller dans la clandestinité et y rester très longtemps.
Citant l’exemple de la situation à la frontière entre les États-Unis et le Mexique, elle avance que des candidats à l’immigration risquent de prendre des chemins plus dangereux, parfois avec l'aide de criminels. Le résultat global de tout ça, c’est plus de danger, plus de morts
, soutient-elle.
Concernant les 15 000 migrants qui seraient acceptés par les canaux officiels aux termes de cette entente, Mme Paquet estime que l’on demeure dans le flou.
Ce n’est pas très clair. Quand commence le décompte pour les 15 000? Le 1er janvier ou le 1er mars? Comment va-t-on les informer de cette limite? Comment les gens vont-ils planifier leurs mouvements? Est-ce qu’on va prendre des décisions basées sur les pays d’origine?
, s'interroge Mme Paquet.
Fermer le chemin, c’est tourner le dos à certains de nos engagements internationaux pour ce qui est de la protection des personnes
, conclut la professeure.