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[Reportage] La communauté chinoise s’inquiète des manœuvres d’infiltration et de l’ingérence de Pékin

Les rapports sur l’ingérence du gouvernement chinois dans l’élection fédérale et le processus démocratique au Canada ont récemment attiré l’attention de tous les secteurs du pays.
Photo : Associated Press / Fred Dufour
Les rapports sur l’ingérence du gouvernement chinois dans l’élection fédérale et la démocratie au Canada ont récemment attiré l’attention de tous les secteurs du pays. Le 6 mars dernier, le premier ministre Justin Trudeau a annoncé, face à la pression, que des mesures seraient prises pour enquêter sur ces interventions, notamment la désignation d’un enquêteur spécial indépendant et l’ouverture d’une enquête complète par une commission parlementaire et des agences spécialisées. Puis, le 10 mars, le ministre de la Sécurité publique Marco Mendicino a annoncé le début des consultations publiques (nouvelle fenêtre) sur un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère.
Des membres de certains groupes de Canadiens d’origine chinoise au pays ont exprimé leur point de vue dans des entrevues avec les médias, saluant les mesures d’enquête proposées, mais exprimant aussi des inquiétudes quant à l’avenir.
Fenella Sung, membre de l’association Canadian Friends of Hong Kong, estime qu’une enquête sur l’ingérence du gouvernement chinois est nécessaire. Dans une entrevue accordée à l’émission Power & Politics (nouvelle fenêtre) de CBC, elle a déclaré qu’en tant que Sino-Canadienne, elle considère qu’il est important de savoir qui contribue à l’ingérence dans la communauté.
Elle croit également que, si les personnes impliquées ne sont pas identifiées, la discrimination raciale touchera tous les membres de la communauté chinoise.
Cherie Wong (nouvelle fenêtre), directrice générale d’Alliance Canada Hong Kong (ACHK), un groupe canadien qui soutient le mouvement prodémocratique de Hong Kong, a déclaré lors d’une entrevue avec CBC qu’elle craignait pour la sécurité de sa famille à Hong Kong et en Chine, mais aussi la haine et la discrimination dont sont victimes les Canadiens d’origine chinoise.
L’
ACHK a proposé de créer une agence centrale chargée de signaler l’ingérence étrangère et de servir de plateforme éducative. Les gouvernements, les médias et le public pourraient ainsi comprendre les mécanismes d’ingérence étrangère.Jiaji Jiang, membre de la Fédération pour une Chine démocratique, a indiqué dans une entrevue à Radio Canada International (RCI) que le public canadien devait comprendre que le gouvernement chinois, les Chinois ordinaires et les Chinois ethniques sont des concepts différents, et qu’il était essentiel que les Canadiens sachent que le Parti communiste chinois (PCC) est derrière les manœuvres d’infiltration et l’ingérence dans l’élection fédérale canadienne et son système démocratique.
Cela n’a rien à voir avec les Chinois en général ni les Canadiens d’origine chinoise qui vivent et étudient au Canada, précise le jeune homme.

Jiaji Jiang, appelant le gouvernement canadien à protéger les dissidents lors d’une conférence de presse parlementaire le 17 novembre 2022.
Photo : Radio-Canada / Sheng Xue/Twitter
Jiaji Jiang a expliqué que ses amis étaient particulièrement préoccupés par l’omniprésence des services de renseignement du PCC et par la gravité de leurs interventions et de leurs manœuvres d’infiltration. Le gouvernement chinois veut faire peur aux Canadiens d’origine chinoise afin qu’ils gardent le silence, selon lui.
Il a appelé les habitants d’origine chinoise à se mobiliser, à demander l’aide de la police canadienne et des organisations compétentes et à apporter leur soutien à l’enquête.
Il comprend les craintes et les inquiétudes des citoyens, car il les a éprouvées. Son père a été prisonnier politique en Chine pendant 20 ans, et il a quitté le pays à l’adolescence. Il n’a pas revu ses parents depuis, et cette peur l’a hanté pendant de nombreuses années. Sa plus grande crainte aujourd’hui est de voir les manœuvres d’infiltration du
PCC le priver du seul espace de liberté qui lui reste au Canada.Jiaji Jiang a souligné que la communauté chinoise se doit de sensibiliser le public et le gouvernement canadiens à ses craintes et préoccupations à propos du
PCC. Il pense que les mesures proactives prises par le gouvernement fédéral canadien permettront de renforcer la confiance des citoyens.Les ressources du PCC sont limitées. Lorsque tout le monde a peur et que peu de personnes sont prêtes à faire front, le gouvernement chinois semble très puissant. Mais si certains des 1,7 million de Chinois du Canada (selon les statistiques de 2021) prenaient la parole, même s’il ne s’agit que de 10 ou 20 %, le PCC ne pourrait pas arrêter les parents d’un si grand nombre de personnes en Chine
, a déclaré Jiaji Jiang.
Il a confirmé que la censure exercée par le gouvernement chinois sur les médias sociaux en langue chinoise et son infiltration des médias en langue chinoise au Canada constituaient un problème important. Il se montre toutefois optimiste et estime que les enquêtes canadiennes en cours ouvrent la voie pour résoudre ce problème.
Jiaji Jiang est convaincu que les pays occidentaux sont en train de s’allier pour remettre en cause le gouvernement chinois. L’invasion de l’Ukraine par la Russie et les manœuvres d’infiltration de Pékin dans les pays démocratiques ont permis à plus de personnes de prendre conscience que la montée en puissance des dictatures violentes affaiblit les démocraties. Ce sentiment de crise est un signal d’alarme pour la classe politique et le public.
Note : ce reportage est également disponible en chinois traditionnel, en chinois simplifié et en anglais