[Reportage] De la physique à l’art lyrique : le parcours de Jaime Sandoval, ténor dans Ainadamar

On m'avait offert un poste à la NASA. Et je me suis dit : "Bon, la NASA est toujours là, et je dois décider si je vais aller en Floride ou poursuivre le rêve de la musique." Eh bien, me voilà! Cela fait 20 ans que je cogne à la porte et elle semble s'ouvrir.

Le chanteur explique que c'est à Montréal, au Québec, qu'il a bâti sa vie. Il est professeur de physique dans un cégep [un établissement d'enseignement qui offre, entre autres, la formation préuniversitaire au Québec, NDLR] et il est également titulaire d'un baccalauréat et d'une maîtrise en chant de l'Université McGill.

Ainadamar est sa quatrième collaboration en tant que ténor avec l'Opéra de Montréal, l'une des plus prestigieuses compagnies d'art lyrique au Canada, ce qui est très important pour Jaime Sandoval.

Travailler avec l'Opéra de Montréal est un véritable rêve qui se réalise. Comme dans toute entreprise, on commence par le bas et toujours avec humilité et avec un grand respect pour ses collègues et la direction, et avec la volonté de travailler sur tout ce qui doit l'être.

Ainadamar

Cet opéra raconte l'histoire du dramaturge et poète espagnol Federico García Lorca à travers les souvenirs de sa muse, l'actrice catalane Margarita Xirgu.

Dans sa version originale, le personnage masculin de Lorca était interprété par une femme. Certains parlent d'un opéra en trois temps en raison de ses allers-retours chronologiques à rebours entre trois moments et espaces de la vie de l'écrivain.

Ainadamar explore la vie et l'œuvre de Lorca, dont les positions antifascistes et l'homosexualité réprimée ont conduit à sa mort aux mains des nationalistes franquistes en 1936, pendant la guerre civile espagnole.

Il s'agit du premier opéra du compositeur argentin Osvaldo Golijov, qui avait déjà d'autres œuvres à son actif.

Le livret est signé par l'écrivain américain David Henry Hwang. Ainadamar est la prononciation espagnole de l'expression arabe ayn al-damah, qui signifie fontaine de larmes.

D’autres artistes hispaniques dans la production montréalaise

Le cantaor flamenco [chanteur de flamenco, NDLR] Alfredo Tejada, lauréat du 57^e Festival Internacional del Cante de las Minas en 2017 et meilleur cantaor du Festival de Jerez en 2020, fait également partie de la production d'Ainadamar de l'Opéra de Montréal.

Il incarne le personnage de Ramón Luis Alonso, un homme politique de droite pendant la Seconde République espagnole et typographe de profession.

C'est Alonso qui a dirigé l'arrestation et l'assassinat de Federico García Lorca le 19 août 1936.

Rocío Vadillo signe la chorégraphie du spectacle et y tient également le rôle de danseuse soliste.

Vadillo, qui est originaire de Cordoue, en Andalousie, est à la fois danseuse, actrice, chanteuse et professeure et vit à Montréal depuis 2018.

Selon un document de Véronique Gauthier disponible sur le site de l'Opéra de Montréal, Rocío Vadillo n'en revenait pas lorsque le directeur artistique de la compagnie lyrique, Michel Beaulac, lui a proposé le poste de chorégraphe et soliste pour cet opéra sur García Lorca.

En tant qu'Andalouse et actrice, García Lorca fait partie de mon ADN, c'était donc un cadeau du ciel!

La danseuse raconte que dès qu'elle a entendu l'œuvre, elle est tombée sous le charme de la musique d'Ainadamar.

Cet opéra a une résonance particulière pour elle, car la guerre civile espagnole fait partie de l'histoire de sa famille.

Mon grand-père l'a vécue et ma grand-mère m'en a parlé tout au long de mon enfance. Raconter cette partie de mon histoire, aujourd'hui, à Montréal, me touche beaucoup. C'est comme si mes origines et ma patrie étaient réunies.

Le torero

Pour sa part, Jaime Sandoval est fier d'interpréter le rôle du torero qu'il décrit comme une personne qui affronte la vie et la mort de la même manière dans l'arène qu'en dehors et qui est capable de s'engager pour les causes qu'il considère comme justes.

Le personnage que j'interprète est en fait deux personnages en un. Il s'agit de deux banderilleros de l'Espagne révolutionnaire, engagés dans des causes syndicales, qui ont été arrêtés en même temps que García Lorca. Ils partagent avec lui une tombe commune. Une tombe qui n'a pas été retrouvée, mais qui appartient désormais à l'histoire.

À la fin de l'entrevue, Jaime Sandoval déclare sur le ton de la plaisanterie qu'en choisissant sa carrière musicale, il fait comme le torero qu'il incarne : il suit son cœur.

L'opéra Ainadamar, dont Brian Staufenbiel signe la mise en scène, est à l'affiche du 18 au 26 mars 2023 au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts de Montréal.

Note : ce reportage est également disponible en espagnol