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Des parents d’enfants autochtones disparus apprennent enfin la vérité

Une main tient de petits mocassins jaunâtres.

Plusieurs familles autochtones ont vu leur enfant partir sans eux vers l'hôpital et ne jamais revenir.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Josée Bourassa, journaliste à Radio-Canada.
Josée Bourassa

Après des années dans l’obscurité, des parents d’enfants atikamekw de Manawan obtiennent des réponses à leurs questions au sujet de leur enfant disparu. Est-il décédé ou a-t-il été mis en adoption de façon illégitime?

Pendant plusieurs années au Québec, des enfants autochtones malades étaient acheminés vers des hôpitaux sans leurs parents. Certains ne sont jamais revenus. De nombreux parents n’ont jamais pu savoir ce qu’il leur est arrivé.

En 2021, le Québec adopte la loi 79 (nouvelle fenêtre) qui permet l’accès aux archives médicales et religieuses pour faire la lumière sur les circonstances entourant la disparition d'enfants autochtones.

La conseillère spéciale pour le soutien aux familles d'enfants autochtones disparus Anne Panasuk est à Manawan pour donner enfin les réponses aux familles concernées.

Ici à Manawan, on a donné des informations à 11 familles qui cherchaient 28 enfants. On rencontre les familles, on leur dit toutes les démarches qu’on a faites. On leur montre toutes les réponses qu’on a obtenues, tous les documents. Elle ajoute qu’un cartable dans lequel se trouve un rapport de recherche est remis à chaque famille.

Dans certains cas, même des médecins en vidéoconférence répondent à leurs questions sur la nature de la maladie qu’a contractée leur enfant. C’est un rituel funéraire parce qu’on donne l’information et là, tranquillement, les gens sont obligés d’accepter l’information. Il y a de la tristesse, il y a de la colère parfois, raconte Anne Panasuk.

Elle prend la pose et sourit légèrement.

Anne Panasuk, conseillère spéciale pour le soutien aux familles d'enfants autochtones disparus

Photo : Radio-Canada

Tous ne sont pas morts

La conseillère dit qu’elle comprend cette colère.

Je sors d’une rencontre avec une famille où on a su que l’enfant a survécu pendant quatre ans [après avoir été envoyé à l’hôpital]. Pendant quatre ans, cet enfant-là était à Montréal et les parents n’ont jamais pu le visiter.

Anne Panasuk raconte que, dans une autre communauté, un enfant a vécu dix ans sans que sa famille ait pu savoir ce qui se passait, sans qu’elle puisse aller le visiter.

Pensez-vous que cet enfant-là n’a pas demandé : "Maman?" pendant toutes ces semaines, ces mois, ces années?
Une citation de Anne Panasuk, conseillère spéciale pour le soutien aux familles d'enfants autochtones disparus

Ces pratiques ont eu cours dans les années 50, 60, 70 et même jusque dans les années 80, selon la conseillère.

Des 28 enfants de Manawan dont l’équipe de recherche a retrouvé la trace, aucun n’a été adopté de façon illégale. Anne Panasuk préfère employer le terme illégitime, parce qu’il faut documenter si c’est vraiment illégal, mais j’ose dire que c’est illégitime, parce que la mère n’a pas donné son consentement.

Un processus difficile

Ce ne sont pas toutes les familles touchées qui entreprennent les démarches pour savoir ce qui s’est passé. Mais Anne Panasuk mentionne qu’à Manawan, trois nouvelles familles ont manifesté leur intérêt.

Lorsqu'elle a commencé à faire des recherches alors qu’elle était journaliste, elle pensait qu’il y avait 47 enfants atikamekw disparus, dans les trois communautés de la Mauricie.

On se rend compte que, juste à Manawan, il y en a une trentaine. Rajoutez ceux de Wemotaci, ceux d’Opitciwan… j’ai peur de ce qu’on va trouver.
Une citation de Anne Panasuk, conseillère spéciale pour le soutien aux familles d'enfants autochtones disparus

Un travail ardu

Pour retrouver la trace de chaque enfant, c’est toute une équipe qui se met en branle. C’est le fruit du travail d'une direction de soutien aux familles provenant du Secrétariat aux relations avec les Premières Nations et les Inuit. Cette direction travaille en collaboration avec l’association Awacak (nouvelle fenêtre), terme qui signifie petits êtres de lumière en langue atikamekw.

Même si la loi oblige les établissements et les services sociaux à ouvrir leurs archives, celles-ci sont parfois difficiles à retrouver. Le problème qu’on a, c’est que parfois on a des hôpitaux qui ont tout gardé, beaucoup d’hôpitaux ont épuré leurs documents et on ne trouve plus grand-chose. Il y a certains hôpitaux qui sont disparus, qui n’existent plus. On ne sait pas où sont les archives, on les cherche, explique Anne Panasuk.

Elle ajoute qu’il y a longtemps, au Québec, les congrégations religieuses géraient les hôpitaux et que les archives n’étaient pas toujours bien tenues.

Les parents veulent surtout savoir si leur enfant a été bien soigné, témoigne Anne Panasuk. Elle ajoute que les notes des infirmières et du personnel soignant ont rarement traversé les années.

D'après une entrevue réalisée à l'émission En direct

Josée Bourassa, journaliste à Radio-Canada.
Josée Bourassa

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