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Ottawa donne raison à des employés noirs discriminés à la Commission des droits
Des employés avaient déposé un grief faisant notamment état de « racisme » et « discrimination » systémiques.
Bernadeth Betchi, ancienne conseillère politique à la Commission canadienne des droits de la personne
Photo : Radio-Canada / Olivier Hyland
La Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) a fait preuve de discrimination envers ses propres employés noirs et racisés, a affirmé le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
L’organisme fédéral a fait ce constat en mars, plus de deux ans après avoir reçu un grief de principe de la part de neuf employés de la racisme systémique anti-Noir, de sexisme et de discrimination systémique
visant les employés noirs et racisés.
La CCDP a enfreint la clause de non-discrimination de la convention collective des praticiens du droit
, a déclaré Carole Bidal, sous-ministre adjointe associée au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, dans sa réponse officielle au grief.
Deux grands syndicats du secteur public fédéral − l'Alliance de la Fonction publique du Canada et l'Association canadienne des employés professionnels − ont également déposé des griefs allant dans le même sens et ont reçu une réponse similaire.
Sur son site web, la protéger le principe fondamental de l’égalité des chances et de soutenir la vision d'une société inclusive sans discrimination
.

Une manifestation du mouvement contre le racisme anti-Noir à Toronto. (Photo d'archives)
Photo : CBC/Michael Charles Cole
Dans les faits, la Commission doit enquêter sur les plaintes provenant des ministères et organismes fédéraux, des sociétés d'État et de nombreuses organisations du secteur privé telles que les banques, les compagnies aériennes et les entreprises de télécommunications. C’est elle qui décide ensuite quelles affaires sont portées devant le Tribunal canadien des droits de la personne.
Interrogés par CBC, des employés et d'anciens employés évoquent un environnement de travail hostile
et raciste
au sein de la CCDP. Selon eux, le travail des employés noirs et racisés n’est pas valorisé et leurs chances d’obtenir une promotion sont faibles.
Je décrirais l’environnement de travail à la Commission canadienne des droits de la personne comme toxique, vénéneux même. Travailler là-bas a affecté mon bien-être ainsi que ma santé mentale et physique. Et je ne suis pas la seule.
Mme Betchi, qui travaillait au bureau du premier ministre avant de rejoindre la Commission, affirme avoir souffert d’insomnie et d’anxiété pendant de longs mois, ce qui l’a amenée à prendre un congé de maladie et à suivre une thérapie.
Humiliation et mépris
Les employés et anciens employés noirs et racisés de la
CCDP ont préféré témoigner sous le couvert de l’anonymat, par peur de représailles. Ils ont tous affirmé avoir ressenti de l’humiliation et du mépris de la part d’autres collègues.Ils dénoncent par ailleurs le fait que la Commission rejette un grand nombre de plaintes provenant de minorités religieuses ou ethniques, alors que celles qui sont retenues sont confiées à des enquêteurs qui ne maîtrisent pas nécessairement les questions liées au racisme.

La Commission canadienne pour les droits de la personne se dit « ouverte à collaborer » face aux allégations de racisme anti-Noir dans ses rangs.
Photo : iStock / digitalskillet
On s’entend que la Commission ne va jamais affecter un groupe d’enquêteurs exclusivement masculin pour examiner des plaintes liées à des allégations de harcèlement sexuel provenant du public
, a dit à CBC un des employés interrogés. Et pourtant, pendant plusieurs années, ils ont jugé bon de confier à un groupe d'employés exclusivement blancs la responsabilité d'enquêter sur toutes les plaintes faisant état de racisme.
D’autres employés − anciens et actuels − ont aussi affirmé que leur objectivité avait été remise en question lorsqu’un sujet en lien avec le racisme était discuté. Certains ont même indiqué avoir été expulsés de réunions portant sur des plaintes faisant état de racisme.
Une nouvelle direction à la tête de la CCDP
Le directeur général de la
CCDP, Ian Fine, et la commissaire en chef par intérim, Charlotte-Anne Malischewski, n’ont pas voulu accorder d'entrevue à CBC.Dans un communiqué, Mme Malischewski affirme toutefois que la Commission accepte les conclusions et les recommandations [du Conseil du Trésor] et reste ouverte à collaborer pour parvenir à un règlement efficace et respectueux
.
Comme il s'agit d'une affaire en cours [...] nous ne pouvons pas commenter les détails de cette décision pour le moment. Nous prenons cette affaire très au sérieux et restons profondément engagés dans la lutte contre le racisme.
Au gouvernement fédéral, le ministre de la Justice, David Lametti, a déclaré avoir eu une conversation franche
avec Mme Malischewski plus tôt cette semaine pour discuter des prochaines étapes.
Dans un communiqué, le ministre a indiqué que le verdict du Conseil du Trésor est à la fois préoccupant et décevant
, compte tenu du mandat de la CCDP.
Nous allons nommer une nouvelle direction à la tête de la Commission, car le poste de commissaire en chef est vacant
, a dit M. Lametti à CBC. La résolution des problèmes soulevés fait partie de la responsabilité de cette direction.
Le ministre fédéral de la Justice, David Lametti (Photo d'archives)
Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby
Le Caucus des employés fédéraux noirs (CEFN), un groupe qui représente les fonctionnaires noirs au sein du gouvernement fédéral, dit s’attendre à un changement nécessaire au niveau institutionnel
.
Les employés noirs et racisés interrogés par CBC ont quant à eux lancé un appel à une enquête indépendante sur le racisme au sein de la
CCDP. Ils ont également demandé au gouvernement fédéral de permettre aux Canadiens de déposer leurs plaintes directement au Tribunal des droits de la personne sans devoir passer au préalable par la CCDP. Une pratique déjà appliquée dans certaines provinces, dont l’Ontario et la Colombie-Britannique.Je ne recommande pas aux personnes noires, racisées ou membres d’une minorité religieuse de déposer une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne
, a dit Mme Betchi. Ça vous dit à quel point je pense qu’il s’agit d’un endroit toxique.
Des accusations dans le passé
En juin 2020, l’ancienne présidente de la une série de mesures pour combattre le racisme systémique (nouvelle fenêtre) envers les personnes autochtones et racisées au sein de son organisation.
CCDP, Marie-Claude Landry, avait annoncéLes employés racisés et autochtones au sein de la Commission seront invités à une rencontre afin d'exprimer leurs perspectives et leurs points de vue au sujet des barrières institutionnelles et structurelles qui peuvent exister au sein de la Commission
, avait-elle dit à l’époque.
Toujours en 2020, une proposition d'action collective a été déposée devant la Cour fédérale selon laquelle, depuis les années 1970, environ 30 000 fonctionnaires noirs ont perdu des occasions d'avancement et des avantages accordés à d'autres fonctionnaires fédéraux en raison de leur identité de groupe.
La déclaration indique que la poursuite réclame des dommages-intérêts afin d'indemniser les fonctionnaires noirs pour les difficultés mentales et économiques qu'ils ont subies.
Les plaignants, dont fait partie Mme Betchi, demandent également un plan pour diversifier la main-d'œuvre fédérale et pour supprimer les obstacles que même les lois sur l'équité en matière d'emploi n'ont pas été en mesure d'éliminer.
Dans une requête en justice, le gouvernement a demandé le rejet de cette action collective (nouvelle fenêtre), arguant que la Cour fédérale n'est pas l'instance appropriée pour entendre cette affaire parce que la réclamation devrait être traitée comme un grief en relations de travail.
Avec les informations de David Thurton, de CBC