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[Reportage] Des cours qui mettent en valeur les racines africaines des danses latines

Deux professeurs de danse, un Cubain et une Angolaise, expliquent à RCI l'importance de reconnaître les origines africaines des danses latines. Les cours, populaires dans des villes telles que Vancouver et Toronto, servent de points de rencontre pour bâtir des communautés.

Dyptique d'un homme et d'une femme en train de danser.

Julio Montero est d'origine cubaine et Albena de Assis, angolaise. Tous deux partagent un amour pour la musique afro-latine et la font rayonner à Vancouver et à Toronto.

Photo : Cortesía

Maria-Gabriela Aguzzi

La salsa, la bachata, le reggaeton... des genres musicaux afro-latinos dont la réputation n'est plus à faire et qui font des adeptes aux quatre coins de la planète. Les genres musicaux dansés conquièrent non seulement ceux qui ont déjà le rythme dans la peau, mais aussi ceux qui, sous d'autres latitudes, profitent de la musique pour apprendre à danser, même s'ils ont parfois l'impression d'avoir deux pieds gauches.

Et parmi ces autres latitudes se trouve, bien sûr, le Canada.

La popularité des écoles de danse au Canada remonte à quelques décennies. Mais ces dernières années, le boom a été plus qu'évident. La clientèle des écoles de danse est aussi variée que les rythmes eux-mêmes. Et, dans de nombreux studios, ce ne sont pas les Latinos qui remplissent les salles.

Les Canadiens et les personnes de diverses origines profitent d'une heure par semaine pour combattre le stress par la danse, mais ces cours vont au-delà du plaisir et de la détente de la danse elle-même. Beaucoup de ceux qui fréquentent ces académies cherchent aussi à bâtir une communauté en créant des liens et en se faisant de nouveaux amis.

C'est ce qu'affirme Julio Montero, un professeur de danse de Vancouver qui a 20 ans d'expérience. Julio, qui est d'origine cubaine, est spécialisé dans l'enseignement de la salsa casino, également connue sous le nom de salsa cubaine, qui se caractérise par ses célèbres ruedas [roues en français, NDLR].

La salsa sera toujours populaire au Canada parce qu'elle remplit une fonction sociale : faciliter le contact entre les gens. C'est une forme organique qui permet aux gens de tisser des liens et de créer des communautés dans une société qui, malheureusement, manque de communautés, du moins dans les zones urbaines. Il y a des centres communautaires, qui sont une tentative institutionnelle de créer une communauté, mais il n'y a pas de communautés au sens où je l'entends... des communautés de barrio [quartier].
Une citation de Julio Montero, professeur de danse et fondateur de Vancuba
Un homme assis dans un parc.

Julio Montero donne des cours de salsa à Vancouver depuis 20 ans.

Photo : Cortesía

Albena de Assis, une professeure de salsa d'origine angolaise qui a ouvert son académie de danse Afrolatino Dance Company, à Toronto en 2005, est du même avis que Julio Montero.

La composante sociale est très importante. Si vous avez l'impression de ne pas avoir beaucoup d'amis ou de relations, commencez à fréquenter un studio de salsa et vous commencerez à créer votre propre réseau avec des personnes qui ont les mêmes centres d'intérêt que vous.
Une citation de Albena de Assis, professeure de danse et fondatrice d'Afrolatino Dance Company

Cette communauté qui s'est créée dure depuis des années. Julio Montero l'a constaté non seulement dans son travail de professeur de danse, mais aussi en tant que DJ et promoteur d'événements liés à la communauté afro-latino.

En 20 ans, de nombreuses personnes ont appris [à danser] avec moi. Un élève assidu a un cycle qui dure environ quatre ans. Mais ce qui se passe avec les gens qui suivent mes cours, c'est qu'une fois qu'ils ont appris cette danse, elle fait partie de ce qu'ils sont et rien ne peut la leur enlever. Une fois que vous avez bien appris cette danse, vous pouvez passer 10 ans sans danser et le jour où vous revenez sur la piste de danse, vous n'avez rien oublié, explique Julio à Radio Canada International (RCI).

Albena de Assis affirme que les Latinos ne sont pas majoritaires dans ses cours, mais elle reconnaît que lorsqu'un Latino-Américain vient à l'un de ses cours, il vient aussi pour renouer avec ses propres racines.

Une femme et un groupe de personnes en train de danser.

Albena de Assis a créé son académie à Toronto dans le but de mieux faire connaître les racines africaines de la danse latine.

Photo : (Cortesía de la artista)

À Vancouver, la même chose se produit dans les classes de Julio Montero, qui a constaté un intérêt croissant pour la salsa chez les Latinos au cours des dernières années.

C'est une invasion latine. Maintenant, j'ai des cours où la plupart des gens sont des Latinos. Il y a beaucoup de Mexicains, mais aussi des Argentins, des Uruguayens, des Chiliens, des Péruviens, des Panaméens, des Vénézuéliens et des Guatémaltèques. J'ai toute l'Amérique latine. Je suis heureux de voir que la salsa et Cuba nous rapprochent les uns des autres. Et je suis sur le point de donner des cours uniquement en espagnol, ajoute Julio, réjoui.

Reconnaître les racines africaines

Lorsqu'Albena de Assis a ouvert son académie de danse il y a près de 20 ans, elle l'a fait avec une vision particulière : mettre en valeur les racines africaines dans la danse latine. Étant elle-même africaine et ayant tissé des liens avec des professeurs de danse cubaine dans son pays d'origine, l'Angola, Albena a eu le sentiment que cet aspect n'était pas entièrement abordé dans les cours de danse au Canada.

J'ai commencé mes cours avec une vision différente, en mettant davantage l'accent sur les racines de la danse, parce que ces racines n'étaient pas prises en compte ou bien représentées sur la scène de la salsa à l'époque.
Une citation de Albena de Assis, professeure de danse
Personnes qui dansent la salsa avec Tagnon.

Les cours de salsa et autres danses latines sont très populaires au Canada.

Photo : Radio-Canada / Marie-Michelle Lauzon

Julio Montero considère qu'il est essentiel d'utiliser le terme afro-latino pour désigner tous ces genres musicaux dont les danses, bien qu'influencées par les danses de salon européennes — qui évoquent les danses françaises —, présentent également des mouvements manifestement africains.

Ces danses représentent une symbiose totale de la culture cubaine, qui est un mélange d'Europe et d'Afrique. Il est important de mentionner que la danse en tant que telle a des racines européennes, mais qu'elle est dansée sur une musique essentiellement africaine et qu'elle représente donc la danse du Nouveau Monde.
Une citation de Julio Montero, professeur de danse

Albena de Assis rappelle qu'au-delà de la salsa, de la bachata et du reggaeton, qui sont peut-être plus populaires aujourd'hui, de nombreuses danses ont des racines africaines. Nous parlons également du mambo, du cha-cha-cha, de la conga et de la rumba, indique Albena. Sans oublier d'autres rythmes comme la champeta et même la cumbia, qui ont également des racines africaines.

Pour les deux professeurs, il est essentiel que ces origines africaines soient mieux représentées dans les danses latines, d'autant plus qu'il reste encore beaucoup à faire pour montrer la diversité culturelle de la région.

Dans les médias et dans l'opinion publique, il y a cette idée que lorsque l'on parle de danses latines, on parle de danses de salon, qui sont très européennes, donc je pense qu'il y a encore du travail à faire. Sur la scène internationale, de nombreux artistes latinos ne sont pas représentés à la télévision. On ne voit pas beaucoup de Noirs.
Une citation de Albena de Assis, professeure de danse

Note : ce reportage est également disponible en espagnol

Maria-Gabriela Aguzzi

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