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[Entrevue] Le Canada doit faire plus en matière de droits des Autochtones, selon l’ONU
Après avoir passé 10 jours dans différents territoires autochtones du Canada, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, José Francisco Calí Tzay, parle d'une visite « qui fait réfléchir, douloureuse », mais aussi « pleine de vérité et de sincérité ».

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones, José Francisco Calí Tzay, est un Maya Kaqchikel. Il a passé 10jours dans divers territoires et communautés autochtones du Canada.
Photo : Radio-Canada / Paloma Martinez-Mendez
Après la conférence de presse résumant sa visite au Canada, le représentant de l'ONU, José Francisco Calí Tzay, a déclaré en entrevue avec Radio Canada International (RCI) qu'il reste encore beaucoup à faire pour que le respect des droits des premiers peuples du Canada devienne une réalité, bien qu'il ait perçu une ouverture de la part du gouvernement canadien et des peuples autochtones.
Le gouvernement a de la bonne volonté, mais sa pratique reste discutable. En théorie, il a de très bons projets, mais en pratique, il faut voir ce qu'il prévoit.
En ce qui concerne les nations autochtones, José Francisco Calí Tzay a déclaré qu'elles doivent être claires par rapport à ce qu'elles veulent et à toutes les souffrances qu'elles ont endurées
.
Interrogé par qui fait réfléchir, douloureuse, mais aussi chargée de vérité et de sincérité de part et d'autre
.

José Francisco Calí Tsay estime qu'il reste de nombreux défis à relever et appelle le Canada et les peuples autochtones à poursuivre le processus de réconciliation entamé en 2015.
Photo : Radio-Canada / Paloma Martinez-Mendez
M. Calí Tzay explique qu'un sentiment similaire l'habite depuis qu'il a accepté le poste de rapporteur spécial des Nations unies sur les droits des peuples autochtones en mai 2020.
C'est douloureux parce qu'en tant qu’Autochtone maya Kaqchikel, c'est comme si je rouvrais la plaie chaque fois que j'entends parler des souffrances des peuples autochtones. Mais cette période m'a donné à réfléchir.
Lien de confiance brisé
L'évaluation finale de sa visite et les recommandations au gouvernement canadien seront présentées dans un rapport écrit au Conseil des droits de l'homme des Nations unies lors de sa 54e session, en septembre 2023.
Lors du point de presse du vendredi 10 mars dernier, le rapporteur spécial a expliqué que le but de sa visite était de comprendre, dans un esprit de coopération mutuelle et de dialogue constructif, comment le Canada met en œuvre les droits des peuples autochtones, d'identifier les bonnes pratiques et les éventuels obstacles, et de présenter des recommandations concrètes pour surmonter les défis qu'il a observés.
Pour l'instant, José Francisco Calí Tzay constate un manque de confiance de la part des nations autochtones à l'égard des institutions canadiennes.
Historiquement, ce lien de confiance a été rompu et il s'agit maintenant de le regagner par le dialogue lors de tables rondes où tous les éléments sont présentés. Et ce, à tous les niveaux, dans tous les systèmes : accès à la justice, à l'éducation, à la santé et lutte frontale contre le racisme et la discrimination raciale.
Conférence de presse de José Francisco Calí Tzay dans un hôtel de la capitale fédérale, à Ottawa, le 10 mars 2023.
Photo : Radio-Canada / Paloma Martinez-Mendez
Dans sa déclaration résumant sa visite au Canada, le rapporteur a souligné un certain nombre d'obstacles auxquels les peuples autochtones continuent de se heurter au Canada.
José Francisco Calí Tzay a déclaré que le Canada doit certainement reconnaître l'héritage colonial
afin d'aspirer à une réconciliation significative et à la responsabilisation pour les crimes du passé
.
J'ai été consterné et attristé par les récits des survivants des pensionnats.
Entre 1870 et 1997, plus de 150 000 enfants des Premières Nations, Métis et Inuit du Canada ont été séparés de leur famille et contraints de fréquenter ces écoles financées par le gouvernement fédéral et gérées pour la plupart par l'Église catholique.
En 2015, la Commission Vérité et Réconciliation nommée par le gouvernement canadien a conclu que des enfants autochtones ont été victimes d'abus physiques et sexuels et sont morts dans ces écoles, et que le nombre réel de victimes ne sera peut-être jamais connu
.
José Francisco Calí Tzay a déclaré lors de la conférence de presse que bon nombre des problèmes majeurs auxquels sont confrontées les nations autochtones du Canada aujourd'hui sont directement ou indirectement liés aux blessures traumatiques subies lors de cette période sombre de l'histoire du pays.
Les entreprises canadiennes et leur impact sur les nations autochtones à travers le monde

De nombreuses communautés autochtones d'Amérique latine dénoncent depuis des décennies la présence de sociétés minières canadiennes sur leurs territoires.
Photo : Amnesty International.
Lors de sa déclaration aux médias, M. Calí Tzay a également mentionné que son bureau a exprimé à plusieurs reprises de sérieuses préoccupations concernant les impacts négatifs et parfois dévastateurs des industries extractives canadiennes sur les peuples autochtones à l'extérieur du Canada
.
Mentionnant les opérations minières en particulier, le rapporteur des Nations unies s'est félicité de la création du poste d'ombudsman canadien chargé de la responsabilité des entreprises en 2019.
Je suivrai avec intérêt les développements futurs dans ce domaine. J'appelle le Canada à reconnaître ses obligations extraterritoriales en matière de droits de l'homme afin de veiller à ce que les sociétés transnationales canadiennes soient tenues responsables des violations des droits de la personne commises à l'étranger
, a-t-il dit.
L'obligation de protéger, de respecter et de mettre en œuvre les droits de l'homme, qui est reconnue par le droit international, implique le devoir pour l'État non seulement de s'abstenir de commettre des violations des droits de l'homme, mais aussi de faire preuve de diligence raisonnable pour prévenir et protéger les individus contre les abus commis par des acteurs non étatiques.
J'appelle le gouvernement canadien à respecter ce principe important du droit international
, a-t-il insisté.
Note : cette entrevue est également disponible en espagnol