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[Reportage] Réactions à l’ingérence de Pékin dans les élections canadiennes

Un homme lève les bras.

Le député libéral Han Dong.

Photo :  (Nathan Denette/The Canadian Press)

Yan Liang

Les Canadiens d’origine chinoise « devraient toujours se sentir accueillis comme étant pleinement canadiens et être encouragés à se présenter en politique », a soutenu le premier ministre Justin Trudeau lundi, défendant Han Dong, un député libéral qui se trouve au cœur de la controverse sur l’ingérence chinoise.

Selon un reportage de Global News, M. Dong est l'un des 11 candidats qui ont bénéficié de l’aide des consulats chinois lors des élections fédérales de 2019.

Le premier ministre canadien semblait faire un lien entre cette allégation et le racisme. Les crimes haineux à l'encontre des Asiatiques et le doute sur la loyauté des gens ont augmenté depuis la pandémie, a-t-il ajouté en réponse aux questions concernant M. Dong en conférence de presse.

Han Dong a déclaré l’année dernière à La Presse canadienne que l’allégation d'une ingérence de la Chine était si vague que beaucoup de Canadiens d’origine chinoise pourraient se sentir ciblés, et que cela provoquerait une nouvelle vague de racisme anti-Chinois.

Tous les immigrants chinois ne voient toutefois pas la controverse de la même façon. Un groupe de défense des droits de la personne, le Chinese-Canadian Concerned Group on the Chinese Communist Party’s Human Rights Violation, a publié une lettre ouverte pour rappeler qu’il ne faut pas détourner le débat en lançant des accusations de racisme.

Lors d’une entrevue accordée à Radio Canada International (RCI), Victor Ho, porte-parole du groupe, estime que le discours de Justin Trudeau a pour but de brouiller le débat et de faire taire les différentes voix dans la communauté chinoise ainsi que dans les médias.

Exposer l’ingérence étrangère n’est pas du racisme

Ancien rédacteur en chef de la version vancouvéroise du quotidien Xing Tao, Victor Ho a formé avec d’autres personnes le Comité de préparation du Parlement de Hong Kong en 2022. Pour cette raison, il est devenu le deuxième non-citoyen hongkongais visé par un mandat d’arrêt de la police de Hong Kong en vertu de la nouvelle Loi sur la sécurité nationale.

Il rappelle que la Chine a déjà accusé les sociétés et les gouvernements occidentaux de discrimination et de haine envers leurs citoyens d’origine chinoise et asiatique pendant la pandémie afin de se dégager de sa responsabilité et d’empêcher l’enquête sur l’origine de la COVID-19. Cette recette a très bien fonctionné.

Selon M. Ho, si personne de la communauté chinoise n’exprime son soutien pour enquêter sur l’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes, les autres communautés du pays considéraient probablement toute la diaspora chinoise comme la cinquième colonne du Parti communiste chinois.

Nous ne voulons pas être muselés ni être représentés par le Parti communiste chinois. Nous ne voulons pas être considérés comme ses complices non plus. Nous espérons montrer à la société canadienne qu’il y a des Chinois qui luttent contre la tyrannie. Nous devons faire entendre notre voix et inciter le gouvernement à prendre des mesures concrètes contre l’infiltration politique, qui nuit aux vrais intérêts de la communauté chinoise.
Une citation de Victor Ho, porte-parole du Chinese-Canadian Concerned Group on the Chinese Communist Party’s Human Rights Violation

L’analyste politique Chauncey Jung met tout le monde en garde contre le danger de tomber dans les disputes partisanes. Cela ralentirait le vrai débat important, soit la façon d'empêcher l’ingérence étrangère dans les élections.

Il faut rester vigilant à l’égard des médias sociaux en chinois

Selon M. Jung, les outils les plus efficaces de l’ingérence chinoise sont les médias sociaux dont les contenus sont contrôlés par le Bureau d’administration du cyberespace de la Chine.

Il existe aujourd’hui dans le cyberespace canadien des plateformes telles que Xiaohongshu, Bilibili, Wechat et Weibo, qui sont fréquentées par les gens habitués à obtenir des informations en chinois. Les contenus sur ces plateformes, tous contrôlés par Pékin, sont assez puissants pour influencer un électeur sur sa décision de se présenter au scrutin ou non et pour qui voter.
Une citation de Chauncey Jung, analyste politique

Chauncey Jung estime que, comparativement aux opérations de soutien des consulats chinois et aux dons politiques, ce sont les médias sociaux en chinois auxquels il faut faire le plus attention, car ils exercent facilement une influence sur des centaines de milliers de personnes sans rendre des comptes à aucune institution canadienne.

Victor Ho suggère aux lecteurs chinois de diversifier les sources d’information, de ne pas se limiter aux médias en chinois et de vérifier toujours les faits rapportés.

Quelles mesures le Canada devrait-il prendre?

Victor Ho se dit très déçu du gouvernement Trudeau, qui n’a toujours pas agi malgré l’alerte sonnée par les agences de renseignement.

Il suggère que le gouvernement fasse adopter le plus rapidement possible des projets de loi afin d’encadrer les actions d’agents étrangers en sol canadien et contre l’ingérence étrangère.

M. Ho encourage également ses compatriotes à parler de leurs préoccupations à leurs députés et à les tenir au courant des activités anormales dans la communauté.

Il faut respecter et protéger les valeurs canadiennes. Sans elles, pourquoi immigrions-nous ici? demande-t-il à la fin de l’entrevue.

Note : ce reportage est également disponible en chinois traditionnel et en chinois simplifié et a été traduit en français par Wei Wu.

Yan Liang

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