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Une majorité de musulmans se disent victimes de discrimination au travail, selon une étude

Une femme musulmane portant le voile.

Le nouveau rapport « Les musulmans en marge de la société » traite de l’islamophobie au travail. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / David Donnelly

Myriam Eddahia, journaliste
Myriam Eddahia

Plus des deux tiers des Canadiens musulmans interrogés par l'organisme Islamic Relief affirment avoir été victimes de discrimination en milieu de travail. L'organisme de bienfaisance a recensé les témoignages de tout près de 700 personnes.

L'étude distingue la discrimination formelle et informelle. La discrimination formelle consisterait en l'inégalité d'accès aux promotions, à la rémunération et aux responsabilités professionnelles, ou en politiques discriminatoires telles que le code vestimentaire.

La discrimination informelle, quant à elle, aborde les interactions et la qualité des relations qui se sont formées avec des collègues ou des clients, la participation à la prise de décision et les comportements. Parmi les répondants, 84 % affirment avoir été victimes de cette forme de discrimination.

Islamic Relief Canada vient notamment en aide aux habitants touchés par des catastrophes naturelles ou des désastres à l’étranger. Au Canada, l’organisme offre par exemple de l’appui aux réfugiés et nouveaux arrivants, ainsi qu’à certaines communautés défavorisées.

Les auteurs du rapport observent que l’islamophobie dans l’emploi persiste à tous les niveaux hiérarchiques et dans tous les secteurs du marché du travail canadien.

L’islamophobie en milieu de travail a un impact négatif sur le développement de carrière des musulmans canadiens.
Une citation de Extrait du rapport Les musulmans en marge de la société

La majorité des répondants (80 %) affirment qu’ils ne peuvent pas occuper certains emplois à cause de leur identité et de leurs pratiques musulmanes.

Au niveau de l'intégration, les musulmans sondés remarquent que la non-consommation d’alcool et les restrictions alimentaires constituent l’obstacle le plus courant à l’inclusion et à la promotion au travail.

De nombreux participants à l’enquête (60 %) n’ont jamais rapporté de cas de discrimination formelle ou informelle à leur employeur, notamment par gêne ou par peur des répercussions et des retombées sociales.
Une citation de Extrait du rapport Les musulmans en marge de la société

Par ailleurs, près des deux tiers des répondants (65 %) étaient des femmes.

L'islamophobie est systémique et genrée, rapporte l'étude.

Les femmes visiblement musulmanes, qui portent le hijab ou le niqab, subissent les niveaux les plus élevés d’islamophobie dans le milieu de travail, selon le document.

Elles ont plus de difficulté à trouver un emploi, ne sont pas prises au sérieux en tant que candidates qualifiées et ont moins de chances d’avancement, précise l'étude.

Méthodologie

L'étude a été réalisée entre septembre et novembre 2022 avec des témoignages recueillis de trois façons.

Un groupe de discussion a rassemblé à Montréal 13 membres de la communauté musulmane.

Les auteurs de l'étude ont également utilisé la technique de l'échantillonnage « en boule de neige » afin d'identifier la majorité des répondants à leur sondage en ligne. Des personnes étaient ainsi invitées à partager le sondage dans leur réseau de contacts.

Les répondants au sondage pouvaient par ailleurs indiquer être disposés à participer à une rencontre virtuelle pour parler plus longuement de leur expérience, en échange d'une carte-cadeau. 20 personnes ont ainsi été rencontrées.

Près des trois quarts des répondants (72 %) résident en Ontario et 66 % travaillaient à temps plein.

Les auteurs précisent que l'étude se base sur un échantillonnage non probabiliste des musulmans au Canada.

Ils ajoutent que leurs conclusions ne sont pas représentatives de la situation dans l'ensemble de la population, mais qu'elles permettent à des musulmans de témoigner de leur vécu.

Des recommandations

Les auteurs du rapport formulent une série de 11 recommandations pour favoriser la lutte contre l'islamophobie et une meilleure intégration des musulmans canadiens dans les lieux de travail du pays.

L'étude recommande d'abord aux différents ordres de gouvernement de lancer des campagnes publiques de sensibilisation qui humanisent les musulmans canadiens.

L'objectif est de combattre et de corriger les stéréotypes envers les personnes musulmanes.

Par ailleurs, Ottawa a déjà mis en place l'une des recommandations proposées dans ce rapport en nommant une première représentante spéciale pour lutter contre l’islamophobie (nouvelle fenêtre) jeudi.

L'étude demande aussi aux instances fédérale, provinciales et municipales de plaider pour l’éradication de lois ouvertement islamophobe, comme la loi 21, ainsi que l'a fait le maire de Brampton en Ontario (nouvelle fenêtre).

Pour les recommandations au sein de lieux de travail, le rapport conseille notamment aux employeurs d'instaurer une culture de travail inclusive, où [l'accommodement vaut pour] tous les employés.

Il est aussi recommandé aux patrons de viser l’inclusion dans leurs fonctions de direction et [de] diversifier le personnel.

Les auteurs encouragent les employeurs à mettre en place des structures sur le lieu de travail qui permettent aux musulmans [...] de signaler et d’aborder les expériences d’islamophobie [et d'en discuter] en toute sécurité.

Le rapport propose aussi la création de formations ciblées et adaptées sur la diversité et l’inclusion afin d’éduquer [le personnel] sur les préjugés conscients et inconscients, y compris les idées fausses sur l’islam et le hijab.

CORRECTION ET PRÉCISION :

Le texte original a été publié le 27 janvier 2023. Plusieurs changements y ont ensuite été apportés le 24 février.

Le titre a été modifié afin de préciser que les conclusions présentées dans l'article sont le résultat d'une étude.

Nous avons aussi ajouté un encadré afin de donner plus de détails sur l’organisme Islamic Relief Canada.

Nous avons retiré un passage où l’on pouvait lire que les participants à l’étude affirment que les minorités religieuses subissent les conséquences réelles de la loi 21, puisqu’il était présenté hors contexte et qu’il laissait entendre qu’il s’agit d’une opinion exprimée par l’ensemble des répondants, ce qui n’est pas le cas.

L’article original ne donnait par ailleurs que très peu de renseignements sur la méthodologie utilisée par les auteurs de l’étude afin d’en arriver à leurs conclusions. La version modifiée fournit plus de détails à ce sujet.

Nous avons aussi précisé que l’étude avait été réalisée entre les mois de septembre et novembre 2022, plutôt qu’entre octobre et novembre, tel que mentionné dans la version originale.

Myriam Eddahia, journaliste
Myriam Eddahia

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