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[Reportage] Des jeunes développent leur empathie en aidant les sans-abri

Les jeunes bénévoles du Forum jeunesse de Saint-Michel distribuent de la nourriture aux itinérants du centre-ville de Montréal.
Photo : Radio Canada International / Samir Bendjafer
De jeunes bénévoles du Forum jeunesse de Saint-Michel à Montréal passent leurs samedis à préparer des repas chauds pour les sans-abri du centre-ville de la métropole québécoise.
Dans une entrevue accordée à Radio Canada International (RCI), Mohamed Mimoun, coordonnateur du Forum qui organise la cuisine hebdomadaire pour les sans-abri, dit faire cela pour développer l'empathie chez les jeunes
.
Participer à cette activité permet à ces jeunes, généralement d'origine immigrante et vivant dans des quartiers défavorisés, de découvrir une réalité différente de la leur et d'autres types d'exclusion et de discrimination
, selon M. Mimoun.
Cette activité était auparavant organisée pendant la période des fêtes de fin d'année, mais la pandémie de COVID-19 a changé cela, rappelle-t-il.
Alors que la pandémie sévissait, les activités du Forum ont été réduites et les jeunes ont commencé à aider les banques alimentaires avec la livraison de repas aux familles et aux personnes isolées.
Pendant la pandémie, nous avons constaté que la situation des sans-abri était pire que celle des familles isolées qui souffraient également.
Nous avons alors commencé à préparer et à livrer de la nourriture aux sans-abri et avons constaté qu'ils étaient laissés à eux-mêmes, car les gens avaient peur de la COVID-19
, indique M. Mimoun, ajoutant que cette activité a eu un grand succès auprès des jeunes.
Pour que la cuisine des sans-abri réussisse, les ingrédients nécessaires à la préparation des plats sont fournis gratuitement par des banques alimentaires ainsi que par des organisations communautaires actives dans le quartier Saint-Michel, comme le Carrefour populaire de Saint-Michel et Mon Resto Saint-Michel.
La participation ne se limite pas à des organismes du quartier. Des organismes d'autres quartiers y prennent part, notamment La Corbeille Bordeaux-Cartierville, qui reçoit des produits alimentaires directement des producteurs avec lesquels elle a des ententes. Des épiceries voisines, comme L’Intermarché, y participent également.
Le Forum jeunesse de Saint-Michel achète les produits manquants.
Des jeunes bénévoles du Forum jeunesse de Saint-Michel, à Montréal, dans la cuisine où ils préparent des repas pour les itinérants.
Photo : Radio Canada International / Samir Bendjafer
La cuisine, un espace éducatif
Les jeunes participants n’apprennent pas seulement à cuisiner, selon M. Mimoun.
Les jeunes apprennent à recycler les aliments et à éviter le gaspillage alimentaire. Cette activité aide à développer leur sens de l'organisation et du travail en équipe et les sensibilise à la gestion du temps et des priorités.
Ces bienfaits se retrouvent dans tout travail bénévole. Mais ce qui est nouveau dans ce type d'activité, c'est le développement de l’empathie au fur et à mesure que le jeune découvre qu'il peut aider les personnes dans le besoin et montrer sa solidarité envers elles. Cela permet de sortir les jeunes de leur cocon
, explique M. Mimoun.
Les jeunes découvrent qu'il y a d'autres personnes qui souffrent de l'exclusion et qui ne sont pas forcément des immigrants.
Daphné Vaudry est étudiante en techniques policières. Elle a participé à cette activité, car elle aimerait faire partie d’une escouade de police qui s'occupe des sans-abri.
Elle a connu l'activité grâce à M. Mimoun qui en a fait une présentation devant sa classe dans un cours de sociologie, se souvient-elle.
Pour sa part, Sasha Alyssa Casimir déclare qu'elle s’est impliquée dans la cuisine depuis qu’elle a s'est jointe au Forum.
En me rapprochant des sans-abri, j'ai découvert qu'ils ne sont pas aussi violents que le prétendent certaines personnes qui ne les connaissent pas
, ajoute-t-elle.
De jeunes bénévoles du Forum jeunesse de Saint-Michel se préparent à aller distribuer de la nourriture aux itinérants du centre-ville.
Photo : Radio Canada International / Samir Bendjafer
Nassim Benabderrahmane vient au Forum depuis quelques mois. Il a suivi les traces de son frère qui avait participé aux activités.
Le premier jour où je suis venu était un samedi, jour où l'on prépare la nourriture pour les sans-abri. J'ai aimé l'expérience. Après ça, je m'y suis impliqué tous les samedis
, raconte-t-il.
Il ajoute que le contact avec les sans-abri a facilité sa socialisation.
De son côté, Aïda Samora a participé à cette activité pour la première fois. Elle souligne qu'elle a de l'expérience dans le travail humanitaire, ayant pris part à un voyage au Sénégal pour participer à la construction d'une école dans un village.
En cherchant du travail, j'ai découvert que je pouvais faire du bénévolat dans une cuisine pour sans-abri
, affirme-t-elle.
Des chiffres inquiétants
En 2018, Montréal comptait 3149 sans-abri. Il s'agissait majoritairement d'hommes âgés de 30 à 49 ans. Au moins 41 % d'entre eux avaient passé l'année précédente au complet en situation d'itinérance.
En novembre dernier, la Ville a lancé un nouveau recensement dont les résultats n'ont pas encore été publiés.
Les causes de l'itinérance sont multiples. L'expulsion du logement en fait partie.
Selon le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec (RCLALQ), le nombre d'évictions forcées a doublé entre 2021 et 2022, passant de 1243 à 3110 cas.
Le
RCLALQ indique que parmi les principaux impacts sur le terrain de ces évictions forcées, il y a l’exode et l'appauvrissement des locataires, ainsi que la hausse de l’itinérance et la diminution de l'espérance de vie.Note : ce reportage est également disponible en arabe et a été traduit en français par Fadi Harouny.