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[Reportage] Paul Ta-Kuang Lin et les relations entre le Canada et la Chine

Le 10 octobre 1973, l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau et sa femme Margaret sont arrivés à Pékin, où ils ont été accueillis par Zhou Enlai. (Photo d'archives)
Photo : The Canadian Press / PETER BREGG
L’ancien premier ministre du Canada Pierre Elliott Trudeau a visité la Chine en octobre 1973. Les deux pays avaient établi les relations diplomatiques trois ans auparavant. Le Canada est l'un des premiers pays occidentaux qui ont reconnu la Chine communiste.
Henry Yu, professeur d’histoire à l’Université de la Colombie-Britannique (UBC), souligne la contribution indéniable du Canadien d’origine chinoise Paul Ta-Kuang Lin à l’établissement des relations diplomatiques entre le Canada et la Chine et de celles entre les États-Unis et la Chine.
Paul Ta-Kuang Lin (1920-2004) était un historien et activiste social. Selon le professeur Yu, son importance est sous-estimée et sa place dans l'histoire, méconnue.
C’est dommage que les jeunes ne connaissent plus cet homme. Après une cinquantaine d’années d’évolution, les relations entre le Canada et la Chine font aujourd'hui face à des difficultés et à la méfiance. Il nous est d’autant plus nécessaire de tirer des leçons de l’histoire.

Les mémoires posthumes de Paul Ta-Kuang Lin, publiés en 2011.
Photo : Radio-Canada
Eileen Siu-Tsung Chen a édité et publié les mémoires de son mari Paul Ta-Kuang Lin, intitulés In the Eye of the China Storm, dans lesquels il retrace sa vie mouvementée, dépeint la Chine de 1950 à la veille de la Révolution culturelle et les États-Unis pendant la guerre froide. Il raconte le début des relations diplomatiques sino-canadiennes et sino-américaines établies dans les années 1970.
Une vie hors du commun
Paul Ta-Kuang Lin est né à Vancouver en 1920. Il obtient sa maîtrise en droit international et en relations internationales de l’Université Harvard en 1945.
Attiré par la république nouvellement établie par le Parti communiste chinois, il s’y installe avec sa femme et ses deux fils en bas âge en 1950. Le nouveau gouvernement néglige toutefois ses compétences et lui donne des emplois quelconques à Radio Pékin du peuple et dans d’autres bureaux.
En 1964, voyant approcher de grandes turbulences politiques, Paul Ta-Kuang Lin demande à Soong Ching-ling, veuve de Sun Yat-sen [fondateur du Kuomintang et premier président de la république de Chine de 1911 à 1912, NDLR], de l’aider à quitter la Chine. Son frère ayant épousé la petite-fille de celui-ci, les deux familles sont assez proches. Paul Ta-Kuang Lin fondera d'ailleurs la Soong Ching Ling Children’s Foundation of Canada dans les années 1980.
Après son retour au Canada avec sa famille, Paul Ta-Kuang Lin est surveillé par les services de renseignement canadiens, qui avertissent même l’Université de la Colombie-Britannique de ne pas l’embaucher.
Il commence à enseigner à l’Université McGill de Montréal en 1965 et devient le premier directeur du Département d'études est-asiatiques.
À cette époque, il appelle le gouvernement canadien à arrêter d’isoler et de diaboliser la Chine et organise des séminaires à cette fin.
Envoyé spécial du président américain
Quand le président américain Richard Nixon s’engage à établir des relations diplomatiques avec la Chine, il contourne le département d’État américain qui s’y oppose et demande à Henry Kissinger, son conseiller à la sécurité nationale, de faire des démarches pour se rapprocher de la Chine.
Kissinger contacte Paul Lin par l'entremise d'un ami et lui demande de transmettre le message au gouvernement chinois.
Il lui faut d’abord aller en France pour obtenir un visa de l’ambassade chinoise à Paris. Il se rend ensuite à Pékin et parvient à voir le premier ministre chinois Zhou Enlai. Sa mission, une fois accomplie, débouche sur une visite secrète de Kissinger en Chine, ouvrant un nouveau chapitre des relations sino-américaines.
Au Canada, Paul Ta-Kuang Lin est un important lobbyiste derrière la décision de Pierre Elliott Trudeau de reconnaître la Chine communiste. Il est même considéré pour le poste de premier ambassadeur du Canada à Pékin.

John Price, professeur d’histoire à l’Université de Victoria
Photo : Radio-Canada / Nicolette Jakab
Un orateur né
John Price, professeur d’histoire à l’Université de Victoria, a connu le couple Lin lorsqu’il étudiait à McGill au début des années 1970. Ils sont devenus amis plus tard.
Paul était un orateur né
, se souvient-il lors d’une entrevue accordée à Radio Canada International (RCI). On pouvait l’écouter pendant des heures. Charmant et cultivé, il avait beaucoup d’amis et d’admirateurs qui soutenaient son idée, c'est-à-dire que le Canada devait avoir une relation amicale avec la Chine. De ce point de vue, il était le meilleur ambassadeur des relations sino-canadiennes.
Note : une version longue de cette entrevue est également disponible en chinois traditionnel et en chinois simplifié. Elle a été traduite et éditée en français par Wei Wu.