Un premier élevage de bœuf Wagyu à L’Islet
Une jeune agricultrice de la région de L’Islet se lance dans l’élevage de bœuf Wagyu, une race japonaise fort prisée des chefs et gastronomes au Québec. À l'heure où tous s’entendent pour dire que la réduction de la consommation de viande est ce qu'il y a de mieux pour la santé de la planète et de ses habitants, l’agricultrice Andréane Thibault mise sur la production d’une viande de très grande qualité gustative pour assurer son avenir et celle de sa famille.
Un texte de Allison Van Rassel
J’ai besoin de me démarquer et de diversifier mes activités si je veux gagner ma vie
, explique Andréane Thibault, maréchale-ferrante de métier qui représente la quatrième génération à exploiter la terre familiale de 150 acres sur le rang de La Martine, à Saint-Eugène de L’Islet.
Je suis encore dans mon début de production, mes premiers veaux sont venus au monde au mois d’août. Ça prend au moins trois ans et un bon 200 jours d’engraissement avant d’avoir un beau persillage. Avant ça, il n’y a rien qui se passe
, souligne celle qui s’occupe seule de son bétail avec l’aide de sa mère et de sa tante.

Andréanne fait surtout l’élevage de chevaux de race Appaloosa, des magnifiques chevaux de selle, dont sa préférée Sweet Lady vêtue d’une jolie robe semblable à celle d’un chien dalmatien. Elle a des poules pondeuses, un cochon vietnamien de 11 ans, deux chiens croisés Montage des Pyrénnés, un chat gris d’étable et Hope, une jeune vache de quelques mois à peine qu’elle a sauvée de l’euthanasie en raison d’une dysplasie de la hanche.
L’agricultrice possède aussi une trentaine de génisses auxquelles s’intéresse beaucoup le petit nouveau de la ferme : un jeune taureau d’environ 500 livres pur-sang Wagyu nommé Kun acheté auprès de Jeannot Luckenuik, le premier éleveur de cette race typiquement japonaise au Québec.
Prisé persillage
Le Wagyu est une lignée bovine importée du Japon dont la viande est la plus prisée dans le monde en raison de la marbrure abondante de gras, le champagne de cette viande. C’est ce qui confère à la viande une texture fondante et un goût naturel de noisette sucrée. C’est une expérience gustative fixée dans ma mémoire culinaire à tout jamais!
Il y a plusieurs grades de persillage dans la viande. La gamme la plus élevée, et par conséquent la plus convoitée des chefs et gastronomes, est l’appellation Kobe. C’est le nom de la ville d’où provient la viande, dont les animaux sont élevés selon des pratiques incroyablement méticuleuses qui profèrent à la viande des qualités gustatives incomparables. Un kilo de cette viande peut valoir plus de 1000 $.
L’aliment est vendu à gros prix et, par conséquent, est très peu gaspillé. C’est aussi cet aspect qui a poussé L’Isletoise à investir plusieurs milliers de dollars dans l’achat d’un taureau pur-sang.
Je n’irai vraiment pas jusqu’à donner de la bière à mes vaches et les masser comme le font certains éleveurs au Japon, mais je vais faire tout ce qu’il faut afin d’obtenir le plus beau persillage possible. Chose certaine, pour avoir un bon persillage dans le bœuf, c’est impossible avant un bon 24-26 mois d’élevage. Moi, je mise sur un bon 30 mois.

Croisement de départ
Afin de permettre à l’agricultrice un revenu de départ, elle devra d’abord croiser la génétique de son taureau wagyu. En Europe, la pratique est courante avec des vaches de race blanc bleu belge ou la limousine.
Au Québec, c’est avec la race Angus que la pratique est plus couramment exercée, car la génétique est mieux adaptée au climat nord-américain. Adréane tente aussi un croisement avec ses génisses Holstein, une race reconnue dans la production laitière qui, l’espère-t-elle, lui procurera un bon rendement
.
On s’entend que, peu importe ce que je vais faire, je n’aurai pas un persillage aussi blanc que la viande importée directement du Japon. Il sera quand même tout aussi présent et le goût tout aussi intéressant. Je vise avoir des races pur-sang pour avoir un produit vraiment 100 % Wagyu, mais il faut que je commence en bas de l’échelle.

Bien que ses découpes de viande ne soient pas disponibles sur le marché de la consommation avant 2023, Andréane ressent déjà un certain engouement de la population locale pour ses activités agricoles.
On m’en parle au dépanneur, à l’épicerie, on m’appelle "la vedette" parce que les journaux locaux ont aussi parlé de mon projet. Ça fait plaisir de voir qu’il y a une curiosité en lien avec ce que je fais
, se réjouit la femme d’affaires, qui n’a d’ailleurs pas encore trouvé son nom d’entreprise. Va quand même falloir la vendre, cette viande-là!
, poursuit-elle, dans un grand éclat de rire. Mon épicier est prêt à me faire une place dans son commerce et ça, c’est du concret.
Celle qui souhaite un jour installer un kiosque à la ferme et une boutique en ligne a toutefois encore beaucoup de travail devant elle, tout autant que son taureau Kun qui, en ce moment même, au champ, suit chaque faits et gestes de la vache qu’il s’apprête à saillir.