Évoqué dans le manifeste du tueur de Christchurch, le « grand remplacement » est à la fois une idéologie et une théorie, qui réapparaît régulièrement dans le discours de groupes d'extrême droite depuis le début du 20e siècle. Benjamin Ducol, de la Chaire de recherche du Canada sur les conflits et le terrorisme, décortique cette thèse nourrie par l'insécurité culturelle et identitaire de certaines franges de la population caucasienne occidentale.
Le grand remplacement est l’idée voulant qu’un peuple « de souche » soit progressivement remplacé par une population qui lui est extérieure. « On retrouve cette idée partout dans l’histoire », rappelle Benjamin Ducol, chercheur associé à la Chaire de recherche du Canada sur les conflits et le terrorisme ainsi qu'au Centre international de criminologie comparée et responsable de la recherche au Centre de prévention de la radicalisation menant à la violence. « On a trouvé des traces de cette pensée jusqu’au Moyen Âge, même si elle a été davantage établie et revendiquée, dans sa version moderne, par l’extrême droite à partir du début du 20e siècle. »
Elle s’est progressivement accompagnée d’une théorie établie par l’écrivain français Renaud Camus en 2010. Les mouvements d’extrême droite supposent souvent que le grand remplacement serait « quelque chose d’organisé, d’orchestré par des élites, décrites comme multiculturalistes et globalistes, donc qu’il y a une forme de complot ».
Un monde propice à la recrudescence de cette théorie
L’idée du grand dérangement a été particulièrement populaire dans l’Europe des années trente, à une période de grands bouleversements sociaux marquée par la crise économique et par des changements migratoires importants. Selon Benjamin Ducol, nous traversons peut-être en ce moment une période similaire, pendant laquelle la société occidentale se transforme rapidement au contact des technologies numériques, lesquelles « bouleversent notre rapport au monde ».
Le métissage culturel de nos sociétés est également une condition propice à l’apparition de la notion de grand remplacement dans le discours public, s’appuyant sur une anxiété identitaire et une insécurité culturelle qui se développent face au multiculturalisme.
« Il faut rappeler que c’est une idée sans fondement, qui repose sur des biais de perception erronés. Un peuple de souche ne peut pas être remplacé par un peuple extérieur, étant admis qu’un peuple n’ait jamais une identité fixe, ni établie dans le temps, ni figée. Il n’y a pas plus de Québécois de souche aujourd’hui qu’il y en avait il y a 100 ans. »
À lire sur ce sujet :
- Carnage dans deux mosquées de Nouvelle-Zélande : au moins 49 morts