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La diplomatie culturelle selon Simon Brault

Plus on est de fous, plus on lit, ICI Première.
Audio fil du vendredi 7 juin 2019

La diplomatie culturelle selon Simon Brault

Le micro ouvert de Simon Brault : La diplomatie culturelle

L'homme grisonnant sourit à pleines dents.
Simon Brault, du Conseil des arts du Canada, fait un plaidoyer en faveur d'une meilleure diffusion des arts.PHOTO : Radio-Canada / Christian Côté
Plus on est de fous, plus on lit, ICI Première.
Plus on est de fous, plus on lit!Publié le 7 juin 2019

En mars dernier, Simon Brault, actuel directeur général du Conseil des arts du Canada, a été nommé à la présidence de la Fédération internationale des conseils des arts et agences culturelles (IFACCA). L'IFACCA regroupe les conseils des arts et les agences culturelles de 80 pays. Simon Brault présidait depuis un an la section américaine de la fédération. Voici son micro ouvert sur la diplomatie culturelle, lorsque les pays invitent leurs artistes à les représenter dans des conflits à l'étranger devant les soldats ou lors de rencontres politiques et économiques internationales.

Les arts et le financement public des arts sont de plus en plus menacés, rappelle Simon Brault, sauf au Canada, où le budget dans ce domaine sera doublé en cinq ans.

« C’est important qu’on n’instrumentalise pas les artistes, qu’on ramène les artistes avec leurs œuvres, qui ont à dire ce qu’ils ont à dire, et que les diplomates leur laissent la parole et jouent plus un rôle pour organiser la discussion, au lieu d’essayer de faire en sorte que les artistes soient amenés à donner une belle image du pays. »

— Une citation de  Simon Brault

Plaidoyer pour une diplomatie culturelle renouvelée

Je m’appelle Simon Brault. J’entamerai dans quelques jours un deuxième mandat comme directeur et chef de la direction du Conseil des arts du Canada. Récemment, je suis aussi devenu le premier Canadien et francophone élu président de la Fédération internationale des conseils des arts et des agences culturelles.

Je baigne dans l’action culturelle depuis mon adolescence. Pour moi, ce n’est pas une profession, c’est une cause.

Depuis cinq ans, j’ai beaucoup parcouru ce pays compliqué et complexe pour rencontrer ses diverses communautés artistiques. J’ai aussi énormément appris des sages, des guérisseurs et des artistes autochtones que j’ai rencontrés. J’ai entendu de nouvelles voix que nous devrions être beaucoup plus nombreux à entendre.

J’ai aussi voyagé de par le monde et j’ai pu constater à quel point la noirceur, l’injustice et le désespoir peuvent l’emporter sur les forces qui favorisent le développement humain. Je suis convaincu qu’on peut et qu’on doit mobiliser toutes ses forces, toutes nos forces, dans le sens d’une histoire qui transporte enfin plus de passagers qu’elle ne crée de naufragés.

Mais pour ce faire, commençons par éliminer les faux-semblants qui ornent nos discussions sur l’état du monde. Brisons l’indifférence aux sorts des autres. Sortons de la torpeur numérique qui banalise notre liberté d’expression, la travestit et la noie dans l’océan des rumeurs et des commentaires insignifiants dont profitent à plein les géants algorithmiques.

Encore une fois, convoquons au chevet de notre humanité menacée la créativité, la culture et les arts. Pour le faire, misons sur la diplomatie culturelle parce qu’elle peut contribuer à améliorer l’état du monde, un pays à la fois, un événement à la fois si elle est pratiquée en fonction de finalités démocratiques et progressistes. C’est ce que je plaide, et ce plaidoyer est de plus en plus entendu à Ottawa et dans nos ambassades dans le monde. Nos artistes qui sillonnent le globe m’en donnent des échos.

Que racontent les arts et la culture à cette humanité? Beaucoup de choses en fait, mais surtout ce qu’elle ne souhaite pas entendre, ce que les petites et grandes propagandes étouffent.

Reprenons le fil de la grande histoire qui parle d’un avenir commun. Donnons la parole à nos créateurs, à nos libres penseurs sur l’échiquier diplomatique.

Laissons-les briser les rôles de potiche de cocktail qu’on leur offre volontiers. Laissons-les sortir du cadre de la photo officielle. Refusons qu’ils servent de paravent aux idées convenues. Contrairement à la caricature qu’on en a souvent faite, une authentique diplomatie culturelle n’est pas une machine à distribuer des billets de voyage pour assister à des cocktails.

La diplomatie culturelle renouvelée vise à créer des espaces de discussions fondés sur le respect, l’écoute et l’ouverture autour des œuvres et des expériences artistiques et littéraires qui expriment ce qu’elles ont à exprimer hors de tout diktat, et souvent même à des lieues de la carte postale idyllique et trompeuse que certains voudraient présenter comme image du Canada ou du Québec.

Une diplomatie culturelle renouvelée propose une série ininterrompue de moments de médiation à l’occasion desquels les citoyens de divers pays entreront en discussion à propos et autour d’œuvres qui proposent du sens dans ce monde qui en a de moins en moins.

L’art a le pouvoir de nous libérer de notre condition de témoins horrifiés, impuissants et désemparés devant les crises humanitaires et environnementales de plus en plus graves.

Utilisons donc enfin ce pouvoir à bon escient!