Le nouveau livre de Vincent de Gaulejac Mon enfant se radicalise, offre des témoignages de familles de djihadistes et de jeunes. Le sociologue français est de passage au Québec pour tenir des conférences et présenter un processus de formation en sociologie clinique. Il se bat pour la reconnaissance de ce type de sociologie.
« L’idée de [l’aspect] clinique, c’est d’aller le plus près du lit du malade en médecine. En sociologie, c’est de s’intéresser à la façon dont les acteurs sociaux vivent les phénomènes auxquels ils sont confrontés »
D’ailleurs, le sociologue souligne que Freud a démontré que ce qu’on vit psychiquement est affecté tant par nos expériences que par les phénomènes sociaux.
« Une partie sociologique de l’œuvre de Freud a été oubliée par beaucoup de psychanalystes, [celle] qui illustre l’hypothèse que les individus sont fabriqués socialement et que le fonctionnement psychique est influencé par le contexte social, par l’histoire et les enjeux sociaux. »
Il invite les psychologues et les psychiatres à s’interroger sur leur difficulté à cerner des enjeux de société qui provoqueraient des problèmes psychologiques chez certaines personnes. « Le mal-être au travail [est lié] aux transformations, aux mutations du travail et aux outils de gestion […] qui produisent [entre autres] l'épuisement et le stress. »
Une honte qui s’explique
L’un des sujets de prédilection de Vincent de Gaulejac est la honte, un sentiment que peuvent vivre les gens qui changent de classe, mais aussi les parents et les proches des jeunes djihadistes.
« Sartre disait : "La honte naît sous le regard d’autrui." J’ai l’habitude de dire que la honte est un sentiment 100 % psychique et 100 % social. Ça touche à l’intimité, à l’amour-propre, mais aussi, qui c'est inscrit dans le corps et ça fonde l’estime ou la mésestime de soi », lance-t-il.