« C'est le jeu du chat et de la souris : la société innove, les délinquants remarquent l'innovation, ils l'adaptent, la police s'adapte. [...] C'est vraiment un cycle qui ne finit jamais. » L'ouvrage collectif Délinquance et innovation recense les façons dont les criminels utilisent la cryptomonnaie, le web profond et les réseaux sociaux pour diminuer les risques d'arrestation et augmenter leurs revenus. David Décary-Hétu et Maxime Bérubé, directeurs du livre, discutent avec Catherine Perrin du lucratif marché pour les revendeurs de données volées au Canada.
« La cryptomonnaie vient régler un problème que les délinquants avaient depuis assez longtemps, qui était de savoir comment se payer les uns les autres, indique David Décary-Hétu. Les gens qui veulent obtenir de la pornographie juvénile, par exemple : il y a quelques années, ils devaient payer par carte de crédit. Malheureusement pour eux, ça laisse beaucoup de traces. Ce qui est fascinant des bitcoins, c’est qu’on peut transiger, envoyer de l’argent à quelqu’un sans avoir à s’identifier, sans avoir à relier son identité virtuelle et son identité réelle. »
Criminologue comme son collègue, Maxime Bérubé s’est fait une spécialité de la question des réseaux terroristes ou violents. « Ces réseaux utilisent aussi ce qui pourrait entrer dans une certaine catégorie de [web profond], c’est-à-dire des communications encryptées, des systèmes de communication sécurisés, auxquels on n’a pas accès, qui ne sont pas ouverts, et dont on ne peut pas intercepter les communications. »
Tant de technologie, si peu de communication
Selon lui, la lutte à l’extrémisme violent, sur le front technologique, est trop morcelée : « Il y a toute une panoplie d’acteurs qui s’est développée au fil des dernières années. Énormément de budget a été déployé pour développer des stratégies de prévention. Tous ces acteurs ne se parlent pas nécessairement. Il y a des acteurs communautaires, des acteurs privés, des acteurs publics. Il faudrait qu’il y ait une meilleure cohésion du travail, un meilleur partage […] afin que les autres puissent en bénéficier, et qu’on arrive à une solution un peu plus globale, plus cohérente. »