L'avocate Julie Latour voit son combat pour l'interdiction des signes religieux chez les fonctionnaires comme le prolongement de son militantisme pour un féminisme universaliste. À l'opposé, le féminisme « relativiste » et le discours actuel sur la diversité et l'intersectionnalité ne sont, selon elle, que le « retour à la bien-pensance qui était notre lot à l'époque duplessiste ».
La juriste a toujours cherché à travailler pour l’avancement du droit des femmes. Elle a d'ailleurs été entre autres attirée vers ce domaine grâce à sa belle-mère, la première femme députée à l’Assemblée nationale du Québec, Marie-Claire Kirkland-Casgrain, décédée en 2016.
« On s’est éloignés de la théocratie pour arriver dans des sociétés démocratiques libérales, raconte-t-elle au micro de Michel Lacombe. Plus il y a de porosité entre l’État et le religieux, plus les droits des femmes sont menacés. »
Comme pour plusieurs, Julie Latour explique qu'elle a aussi une vie spirituelle, un élément important dans son cheminement, entre autres par rapport à ses ancêtres.
Cependant, elle souligne que même si plusieurs ont des croyances religieuses, celles-ci ne doivent pas transparaître lorsqu’ils représentent l’État.
Le fonctionnaire qui affiche un signe religieux contreviendrait, selon elle, à son rôle de dépositaire de l’aspiration de tous ses concitoyens à l’égalité.
La diversité comme paravent du patriarcat
L’avocate s'inquiète de ce qu’elle perçoit comme une différence dans le traitement de l’égalité raciale et de l’égalité entre les hommes et les femmes.
Par exemple, explique-t-elle, il n’est plus possible, sans créer l'opprobre des autres États, qu’un pays affiche publiquement une discrimination raciale basée sur des croyances religieuses ou culturelles. À l’inverse, plus de 80 pays ont dérogé à la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. « Comme ça ne touche pas les hommes, c’est vu comme n’étant pas universel. »
« Il y a un féminisme relativiste qui voit le jour sous le vocable de l’intersectionnalité, mais qui, à mon sens, est un détournement. »
En 1989, la chercheuse et professeure américaine Kimberlé Crenshaw a été la première à utiliser le terme « intersectionnalité » dans un contexte féministe. Elle visait à exposer la complexité de la discrimination double vécue par les afrodescendantes aux États-Unis, du fait qu’elles étaient femmes et Noires.
« [Elle ne voulait pas] créer une conscience sociale qui s’oppose aux hommes noirs. Alors, la chose est dite. Ce n’est plus du féminisme comme tel. C’est de faire corps, à mon sens, avec le patriarcat. »
Celle qui a été bâtonnière du Barreau de Montréal en 2006 et 2007 se réclame ainsi d’un féminisme dont les règles s’appliqueraient à tout le monde, sans distinction.
« Jadis, l’anathème, c’était l’excommunication, maintenant, c’est d’être traité de raciste. »