« J'ai toujours foi en l'écriture, en la lecture et en la littérature. Elle a son rôle à jouer dans cette prise de conscience permanente dont nous avons besoin », dit l'auteur Philippe Claudel au micro de Marie-Louise Arsenault. À une époque où les réseaux sociaux et les médias bombardent d'informations les esprits de façon quotidienne, il est primordial, selon l'écrivain français, de se débrancher de ce flux tendu, et d'accéder à un autre mode de perception du monde qui est celui du livre.
Le livre nous retire du courant, […] nous pose à côté du mouvement du monde : non pas à côté dans le sens où nous l’ignorons, mais à côté dans la mesure où nous accédons à une forme de temporalité plus longue, celle de la pensée, qui nous permet de regarder les événements, de les considérer, de les digérer, et de les faire entrer en nous de façon puissante et profonde », explique Philippe Claudel.
L'écrivain donne l’exemple de la crise des migrants, un sujet délicat qu'il a abordé dans son seizième roman, L'archipel du chien. Les informations à propos de cette triste réalité circulent à une vitesse ahurissante sur les réseaux sociaux et dans les chaînes d’information en continu, si bien qu’elles créent une angoisse profonde en chacun de nous, certes, mais elles font aussi se succéder une vague d’émotions, la suivante effaçant la précédente.
Les médias et les réseaux sociaux contribuent à nourrir les esprits « d’émois éphémères », déplore Philippe Claudel. Dans ce contexte, le livre apparaît comme une bouée et il peut susciter davantage l’empathie et la réflexion.
« Je constate depuis quelques années que le récit réaliste des événements tragiques liés aux vagues de migrants, celui qui est transporté par les médias, dans les journaux télévisés, dans les journaux papier, dans les émissions radiophoniques, […] ça ne fait pas stopper ce drame. Alors je me suis dit qu’en utilisant la littérature, en utilisant sa force, ce qu’elle sait faire, c’est-à-dire raconter des histoires, établir des contes, tisser des légendes, construire des mythes, broder des fables, peut-être qu’avec ce moyen-là, on arriverait plus profondément à entrer dans les consciences et faire s’éveiller un questionnement qui me paraît aujourd’hui relativement assoupi. »