« La psychologie et l'informatique sont deux choses qu'on ne met pas naturellement ensemble », affirme le psychologue Stéphane Bouchard à l'animatrice Sophie-Andrée Blondin lors d'une longue entrevue. Il dirige pourtant le Laboratoire de cyberpsychologie de l'Université du Québec en Outaouais. C'est là que grâce à la réalité virtuelle et à d'autres technologies, il aide des gens à affronter leurs phobies et leurs troubles psychosociaux et qu'il effectue des travaux de recherche sur les environnements virtuels et la programmation pour les besoins des professionnels en santé mentale, surtout des psychologues et des psychiatres.
Ces recherches et ces consultations ont lieu dans la voûte, un cube de 10 pieds cubes qui crée une immersion en images. Il y en a 10 dans le monde, et celle du Laboratoire de cyberpsychologie de l’UQO s’appelle Psyché, précise Stéphane Bouchard.
Des lunettes, des applications pour téléphones intelligents, la télépsychothérapie, soit la thérapie à distance avec de la vidéoconférence, et des visiocasques sont également utilisés à des fins thérapeutiques et de recherche, en somme pour augmenter l’efficacité de la psychothérapie.
Le laboratoire compte sur l’expertise d'ingénieurs, de graphistes, de développeurs d’applications et de chercheurs postdoctoraux.
Soigner, un souci constant
Stéphane Bouchard a toujours voulu soigner les gens. Avant de s’intéresser à la psychologie, il s’est passionné pour les sciences, surtout après avoir vu la retransmission de la célèbre mission lunaire Apollo 11 en 1969. Il voulait être astronaute, mais une sévère myopie rendait ce rêve impossible à réaliser. Il a ensuite suivi les traces de son père médecin, mais son dossier scolaire était plus que moyen. Stéphane Bouchard a donc étudié en psychologie.
« En découvrant progressivement la recherche, j’ai trouvé une passion où je peux vraiment aider des gens, enseigner ce qu’on voit sur le terrain et créer de nouvelles connaissances. Ces trois points-là sont constamment en interaction. »
Une imparfaite réalité
La réalité virtuelle dans les traitements de psychothérapie n’a pas besoin d’être parfaite, comme dans le cas des jeux vidéo par exemple. « On a besoin d’avoir suffisamment de réalisme pour aller chercher ce qui est pertinent, explique Stéphane Bouchard. Le but du virtuel est de bluffer le cerveau. »
Cette technologie s’applique dans le traitement des phobies spécifiques, des troubles d’anxiété sociale, des troubles paniques, du stress post-traumatique, des troubles obsessionnels compulsifs et des dépendances.
Stéphane Bouchard applique également la réalité virtuelle à des fins de psychologie sociale. Avec son équipe, il crée des environnements pour reproduire des situations d’interactions sociales dans le but de documenter la réaction des gens dans ces situations.
Le chercheur précise aussi que près de 10 % de la population souffre de cybermalaises (ces gens développent des nausées semblables au mal des transports) ou ne perçoit pas nettement la réalité virtuelle.
Est-ce que toutes ces technologies sont en train de nous rendre malades?
demande l’animatrice Sophie-Andrée Blondin. Stéphane Bouchard met en garde contre la télédildonique, utilisée pour le cybersexe, qui créera certainement de fortes dépendances.
Le chercheur est encore persuadé que l’importance de créer des liens en chair et en os est encore bien présente dans nos sociétés. Il rêve tout de même à une expérience virtuelle idéale : un outil thérapeutique utilisant les messages subliminaux pour susciter les peurs, sans la souffrance qu’elles amènent.