Depuis qu'ils se sont sédentarisés il y a des milliers d'années, les humains ont sélectionné les plantes sauvages les plus intéressantes sur le plan alimentaire pour les domestiquer et littéralement les transformer. Au fil des siècles, la taille des épis de maïs a été démultipliée, les bananes ont perdu leurs graines et les tomates ont changé de forme. Ce travail de sélection s'est fait partout dans le monde par des centaines de générations d'agriculteurs. Au Québec, les graines apportées par les colonisateurs ont donné des variétés locales, comme la tomate mémé de Beauce, le haricot Grand-Mère ou encore le concombre Tante Alice. Alexandre Touchette s'est intéressé aux variétés ancestrales et en particulier au fameux melon de Montréal.
Le melon de Montréal est une variété un peu mythique qui, au début du siècle dernier, était vendue aux États-Unis jusqu'à 35 dollars la douzaine, soit l'équivalent de 500 dollars d'aujourd'hui. C'est un melon cantaloup à chair verte qui avait un goût de muscade et une écorce verte profondément nervurée, et qui pouvait peser entre 9 et 11 kilos. On attribue le développement de cette variété aux familles Décarie et Groman, lesquelles habitaient sur le versant sud du mont Royal, un endroit à l’abri des vents du nord qui profitait d’un microclimat très favorable à la culture des fruits. Or l'urbanisation a fait disparaître ces fermes, qui ont emporté avec elles le melon de Montréal.
Des graines ont toutefois été retrouvées il y a une vingtaine d’années dans une banque de semences américaine ainsi que chez l’une des descendantes des derniers cultivateurs de l'époque. Mais malheureusement, les melons que l’on a fait pousser à partir de ces graines n'ont pas donné des résultats équivalents à ce que l'on pouvait voir sur les photos historiques. Les caractéristiques des melons cultivés récemment étaient aussi très variables; certains avaient le goût musqué d’origine, mais d’autres étaient insipides et, surtout, la taille des melons n'était pas au rendez-vous.
Pourquoi? Peut-être y a-t-il eu une hybridation accidentelle avec une autre variété de melon; peut-être est-ce aussi en raison des techniques de culture de l’époque qui sont difficiles à reproduire, ou encore de l’érosion des caractéristiques génétiques attribuables à des méthodes de culture inappropriées. On ne le saura peut-être jamais.