Le 6 mai 1937, le plus grand véhicule aérien de l'Histoire, le dirigeable allemand Hindenburg, s'est enflammé au-dessus de son point d'atterrissage. Si l'événement a mis fin à l'utilisation de ce type d'engin, il a aussi changé le monde de l'aviation à jamais. Renaud Manuguerra-Gagné revient sur l'ère des dirigeables, des appareils qui dominaient le ciel il y a 100 ans.
Au début du siècle dernier, de nombreux inventeurs prédisaient que la voie de l’avenir serait aérienne, malgré une grande popularité des paquebots géants (comme le Queen Elizabeth). Cependant, la conception de l’avion étant loin d’être assez aboutie, c’est le dirigeable qui faisait rêver les masses.
Monsieur Zeppelin
Plusieurs inventeurs ont tenté de fabriquer des montgolfières dont on pouvait contrôler la trajectoire au cours du 19e siècle, mais le premier à maîtriser le principe et à donner à ces appareils leur structure rigide en forme de cigare a été le comte Ferdinand von Zeppelin, un militaire et inventeur allemand. Son premier appareil, le LZ-1 – qu’il a financé avec sa fortune personnelle –, a pris son envol en 1900, soit trois ans avant le premier vol d’avion des frères Wright. Ce premier dirigeable, qui mesurait 120 m de long, a mené à la création de la société Zeppelin, en 1908. Ainsi, l’industrie du dirigeable a dominé le ciel pendant trois décennies.
Il n’y a pas de fumée sans feu
Les dirigeables stockaient un gaz plus léger que l’air afin de s’élever, et ce, à l’intérieur d’une structure aérodynamique propulsée par des moteurs à hélice. L’hydrogène étant très léger et surtout plutôt bon marché, on l’a utilisé malgré son caractère réactif : en présence d’oxygène, la moindre étincelle suffit à déclencher une explosion d’hydrogène, et le pire peut survenir.
Un paquebot géant
Le Hindenburg était un colosse de 245 m de long qui mesurait 41 m de diamètre. L’engin, soulevé par 16 poches d’hydrogène et muni de 4 moteurs au diesel qui le propulsaient à une vitesse maximale de 135 km/h, était géré par un équipage de 40 personnes. Assez rapide pour relier la ville allemande de Francfort à celle de Lake Hurst, au New Jersey, en 48 heures, l’Hindenburg était surtout un hôtel dans le ciel : à 400 $ l’aller simple – alors que le salaire annuel moyen était d’environ 1500 $ à l'époque –, le luxe se devait d’être au rendez-vous. Les 50 passagers qui montaient à bord pouvaient profiter d’un restaurant, d’un hall, d’une salle de travail et de deux promenades avec des baies vitrées, et, plus surprenant encore, d’un fumoir. Ce dernier était situé dans une zone pressurisée, pour éviter les risques d’explosion.
L’Hindenburg était aussi un symbole de fierté pour l’Allemagne nazie, laquelle s’en est servie comme outil de propagande dans les ralliements politiques et durant les Jeux olympiques de Berlin, en 1936.
Genèse géopolitique d’une tragédie
Les ingénieurs responsables de l'Hindenburg connaissent bien la dangerosité de l’hydrogène. Les Allemands ont d’ailleurs conçu l'appareil pour qu'il soit rempli à l’hélium, un gaz inerte. Or, si l’hélium est moins efficace que l’hydrogène pour soulever de lourdes charges, une autre difficulté a mis des bâtons dans les roues des autorités allemandes : les États-Unis étant les principaux producteurs de ce gaz, ils ont imposé un embargo interdisant l’exportation de l'hélium vers l’Allemagne nazie. Ne restait donc que l’hydrogène.
Durant la saison estivale de 1936, le Hindenburg a fait 17 aller-retour vers Rio de Janeiro et New York. La pression était considérable sur l’équipage : ce dernier devait faire briller le zeppelin internationalement afin de représenter l’efficacité allemande. Cette nécessité d’une plus grande vitesse, combinée à une mauvaise météo, a résulté en une version aérienne du scénario du Titanic.
Le drame
Si des doutes subsistent sur ce qui s’est réellement passé, l’hypothèse la plus probable demeure que le 6 mai 1937, lors d’un atterrissage au New Jersey, une fuite de gaz a été déclenchée après qu’un virage serré eut déchiré certains éléments de la structure. Simultanément, le temps orageux aurait favorisé l’accumulation d’électricité statique à la surface de la toile métallisée, ce qui a causé l’explosion gigantesque. Puisque l’Hindenburg n’était pas très haut dans les airs lors de l’explosion, plusieurs passagers ont eu le temps de sortir avant que les flammes ne consument tout. Néanmoins, 36 des 97 passagers à bord y ont perdu la vie.
Des équipes de journalistes, qui étaient sur place pour filmer l’arrivée, ont capté des images spectaculaires de l'explosion, lesquelles ont marqué l’imaginaire collectif. Après ce drame, notamment grâce à l’utilisation de plus en plus importante des avions, plus aucun dirigeable commercial n'a transporté de passagers.