Les policiers de Montréal donnent un peu moins de contraventions aux itinérants qu'il y a 10 ans. Malgré tout, il arrive que des sans-abri cumulent plusieurs milliers de dollars en amendes. C'est pourquoi certains proposent d'exempter les itinérants de certains règlements ou même carrément d'abolir ceux jugés discriminatoires.
Il y a eu une volonté des différentes administrations municipales, qui s'est accrue avec Valérie Plante, d’agir autrement, indique le directeur du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM), Pierre Gaudreault. Il y a eu de la formation auprès des policiers, il y a eu des approches qui ont changé, des équipes spécialisées qui ont été mises en place, mais encore, il y a beaucoup trop de contraventions qui se donnent.
Il déplore notamment que certains policiers s’acharnent sur des itinérants en donnant plusieurs contraventions en rafale pour différentes infractions. Les policiers vont même voir ça, dans certains cas, comme un outil d'intervention, pour s'assurer que la personne soit un peu obligée de rentrer dans un processus de réinsertion, soutient-il. Or, on ne peut pas forcer la réinsertion.
Certains jugent que des règlements municipaux sont discriminatoires parce qu’ils valent des contraventions seulement aux personnes marginalisées, et non pas à tous les citoyens. Le directeur général de la clinique Droits devant, Bernard St-Jacques, suggère notamment de revoir le règlement sur le flânage, qui occasionne de nombreuses amendes pour les itinérants : [Des contraventions pour flânage], vous n'en recevrez jamais et je n'en recevrai jamais. Pour moi, c'est un règlement qu'il faut mettre sur la sellette. Il faut l'analyser judiciairement, tenir compte de la vulnérabilité des populations et peut-être se dire qu'on va mettre un frein à ça, parce que c'est sûr que c'est employé de façon discriminatoire.
Certaines amendes représentent un important montant, surtout pour des personnes qui tentent de réintégrer le marché du travail et de se trouver un domicile.
Contraventions les plus fréquemment données aux itinérants à Montréal
- Quêter auprès des automobilistes : 50 $
- Se trouver dans un métro sans billet valide : 225 $
- Flâner : 175 $
- Consommer de l'alcool dans des endroits publics : 150 $
Daniel Dupuis, un employé du café L’Itinéraire, a accumulé 2000 $ de contraventions pendant quatre ou cinq ans pour toutes sortes d’infractions, comme être en possession de cannabis ou traverser à un feu rouge. Ces amendes qui s’accumulent sans qu’il soit capable de les payer sont une grande source de stress pour lui. J’essaie de faire de mon mieux pour ne pas m'abaisser, pour ne pas être négatif, mais ça me stresse à cause des conséquences que ça pourrait me donner… J’ai peur de perdre mon logement, d'avoir à faire du temps [en prison], dit-il.
Depuis 2004, il n’y a plus de peine d’emprisonnement pour les gens qui ne paient pas leurs contraventions à Montréal. Ceux qui sont incapables de les payer peuvent rembourser leur dette en accomplissant des travaux compensatoires, pour un équivalent de 10 $ de l’heure.
Après avoir tenu des consultations en juin 2017 sur le profilage racial et social sur son territoire, la Ville de Montréal a entrepris de revoir tous ses règlements afin d’évaluer s’ils sont discriminatoires.