Pendant la Deuxième Guerre mondiale, la crise du logement amène de nombreux Montréalais à s'installer sur la Rive-Sud, en plein champ. Cela donnera naissance à Ville Jacques-Cartier, aujourd'hui fusionnée à la municipalité de Longueuil, raconte l'historien Jean-François Nadeau.
La construction du pont Jacques-Cartier, en 1930, permettra à ces nouveaux résidents de la Rive-Sud de traverser le fleuve pour aller travailler dans les usines de Montréal. « C’était vraiment se mettre en danger soi-même et sa famille que de devoir vivre ici pour retourner travailler dans des industries où on était peu payé à Montréal, soutient l’historien. Ça témoigne de cet appauvrissement d’une partie de la classe populaire québécoise. »
« Évidemment, il y a des spéculateurs, comme à toute époque, qui, très rapidement, se rendent compte qu’il va y avoir la possibilité d’un développement très intéressant », ajoute-t-il. Ces spéculateurs se mettent donc à vendre de petits terrains de 186 mètres carrés (2000 pieds carrés) pour moins de 250 $, certains payables à coups de 10 $ par mois.
Pour construire leur maison, les acheteurs utiliseront le peu de moyens mis à leur disposition : planches de bois enlevées à des convois ferroviaires abandonnés, pièces de tôle, morceaux de caissons démantelés pris au port de Montréal... « Il n’y a pas que les maisons qui sont improvisées dans leur mode de construction. Même les églises, on les fait presque avec des boîtes de carton », indique Jean-François Nadeau.
Le développement se fait en plein champ, sans plan d’urbanisme. Les rues sont inexistantes; il n’y a pas d’aqueduc, pas d’électricité. Comme le raconte Jean-François Nadeau, « ça donne lieu à un joyeux bordel au printemps : c’est la gadoue la plus complète. »
« C’est littéralement un bidonville. C’est le bidonville de Montréal. »
« De tout ça va germer une municipalité, Ville Jacques-Cartier, raconte l'historien. C’est le far west, comme le décrit le docteur Jacques Ferron. »
Le « paradis du petit crime »
Il n’y a pas de service policier, ce qui fait de la municipalité un « paradis du petit crime », indique Jean-François Nadeau.
Les chiens errants en font également leur royaume. « Ferron raconte même dans un texte que l’une des personnes employées pour chasser ces chiens dans les années 1950 en aurait attrapé plus de 3000 en une année », mentionne-t-il.
D’ailleurs, l’un des criminels les plus connus de Ville Jacques-Cartier, Aldéo Rémillard – arrêté à plusieurs reprises pour vols et entrées par effraction –, sera élu maire de la municipalité en 1960. L’Assemblée nationale votera toutefois une loi pour le démettre de ses fonctions.