Le vapotage semble être une habitude qui gagne en popularité chez certains jeunes. Plusieurs ont l'impression, à tort, qu'il présente un risque moins élevé que la cigarette. Santé Canada vient tout juste de publier de nouveaux outils d'information à l'intention des jeunes et des parents pour pallier toute la méconnaissance autour de ce produit. Anne-Marie Parenteau s'est entretenue à ce sujet avec Yves Doucet, agent pédagogique au District scolaire francophone sud du Nouveau-Brunswick et Pierre Cormier, professeur de psychopharmacologie à l'Université de Moncton.
Selon une enquête de Santé Canada, en 2018-2019 c’est 34% des élèves de la septième à la douzième année qui avaient déjà essayé un produit de vapotage (appelé cigarette électronique dans l'enquête) et 20% avaient déclaré en avoir utilisé au cours des 30 derniers jours.
Le vapotage consiste à inhaler et à expirer un aérosol généré par un produit de vapotage tel qu’une cigarette électronique. Vapoter n’implique pas de combustion contrairement à fumer. L’appareil, en le réchauffant, transforme le liquide en vapeur puis en aérosol. Cette vapeur est souvent aromatisée et peut contenir de la nicotine. (Santé Canada)
Le milieu scolaire préoccupé par la consommation des élèves
Selon Yves Doucet, agent pédagogique au District scolaire francophone sud du Nouveau-Brunswick, des parents achètent des vapoteuses à leurs enfants en pensant que le produit est moins nocif que la cigarette traditionnelle. Un des arguments utilisés c’est que dans certains contextes, pour aider les gens à arrêter de fumer la cigarette, les traitements vont parfois impliquer de passer à la cigarette électronique comme voie de transition.
Cependant, cet argument est valide pour les personnes qui fument la cigarette et qui cherchent à arrêter.
« Pour des gens qui ne fument pas, ça ne veut pas dire que ce n’est pas nocif. Il y a des risques réels associés et des risques soupçonnés aussi. Ce n’est pas parce qu’on n’a pas encore démontré par des recherches formelles que les risques existent qu’il n’y en a pas. »
Yves Doucet précise que dans les dernières années, des jeunes de 15 à 17 ans sont décédés en Europe et en Amérique du Nord et que la cause semblait être liée très clairement à l’utilisation de vapoteuses.
Pour l’agent pédagogique, le rôle de l’école dans la prévention du vapotage est primordial, cependant il ne peut pas être exhaustif. Oui ça peut se faire un petit peu dans le cadre des cours, mais c’est plus large que le contenu d’un cours que ce soit celui d’AFPS ou ailleurs. C’est une question de santé publique.
Les nouveaux outils de sensibilisation fournis par Santé Canada pourraient faciliter le travail du personnel scolaire. Ça peut créer des situations où les élèves se cachent dans les toilettes pour vapoter car, évidemment ça ne dégage pas autant d’odeur ou de fumée qu’une cigarette
mentionne Yves Doucet. Ça demande aux directions et au personnel des écoles d’assurer plus de surveillance pour gérer ces problématiques.
« Non seulement ce n’est pas bon pour la santé, mais c’est illégal. La loi scolaire sur le tabagisme le dit clairement, c’est interdit de fumer sur tous les terrains des écoles et ça inclut la cigarette électronique. »
Une histoire qui se répète dans l’industrie de la cigarette
Pierre Cormier, qui enseigne la psychopharmacologie à l’Université de Moncton, souligne que dans les années 1960 et 1970 l’industrie de la cigarette a augmenté la quantité de nicotine dans leurs produits. Les grands dirigeants de ces industries du tabac ont témoigné devant le congrès aux États-Unis. Ils ont tous affirmé que la nicotine n’était pas une drogue ou un produit qui engendre une dépendance. Alors que si on veut vraiment amener les gens à être dépendant d’un produit, qu’est-ce qu’on fait ? On augmente la dose.
Pour le professeur, c’est la même histoire avec les cigarettes électroniques car, même s'il n'y a pas de tabac dans le vapotage, il y a de la nicotine.
« On est en train d’augmenter la concentration de nicotine dans les cigarettes électroniques. C’est un nouveau dispositif, une nouvelle façon d’injecter la substance. »
La nicotine est une substance qui engendre une très forte dépendance.
« Plus tu rejoins une personne jeune avec une drogue, plus tu t’assures d’une consommation à long terme. C’est un intérêt. C’est pour ça que généralement on essaie de protéger les jeunes avec des lois sur la publicité, sur l'accès à la drogue et ainsi de suite. »
D’après Pierre Cormier, les lois semblent être plus restrictives en Europe concernant la publicité envers les jeunes ce qui a eu un impact sur la popularité du vapotage. Alors qu’au Canada et aux États-Unis, la publicité semble être un peu plus libre et il y a une plus grande popularité.
Pour le professeur, une fois que la dépendance est créée, c’est très difficile de s’en sortir. Pierre Cormier précise que seulement 10% des fumeurs arrivent à arrêter de fumer alors que 90% se sentaient capables de le faire. Il ajoute que dans les meilleures thérapies les taux de succès sont de 30%.
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D'après le reportage d'Anne-Marie Parenteau.