Déclenchée en février 1949, la grève d'Asbestos, en Estrie, a été d'une rare violence. Elle a donné lieu à l'une des premières contestations du gouvernement de Maurice Duplessis. Le professeur d'histoire au Collège Dawson Frédéric Bastien raconte comment ce conflit de travail a aussi servi de tremplin à de futurs politiciens, qui appuyaient la lutte des grévistes.
Pendant une négociation entamée en novembre 1948 avec la multinationale Johns-Manville, les mineurs d’Asbestos réclament une augmentation de salaire de 15 cents de l’heure, mais la compagnie ne leur accorde que 5 cents. Ils veulent aussi pouvoir adhérer à la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) et avoir leur mot à dire sur la gestion des renvois et des promotions.
Alors que la compagnie ne veut rien savoir des revendications de ses employés, ceux-ci décident de faire fi d’un processus d’arbitrage et entament une grève illégale. Le conflit prend une tournure violente lorsque Johns-Manville décide d’avoir recours à des briseurs de grève protégés par la police provinciale.
Des affrontements violents entre policiers et grévistes
La violence atteint son paroxysme le 5 mai 1949. Ce jour-là, les syndiqués forment une chaîne humaine pour empêcher les briseurs de grève de se rendre au travail. Le lendemain, Duplessis envoie des renforts policiers. Il y a passage à tabac et arrestation de plusieurs grévistes.
Mgr Charbonneau, l’archevêque de Montréal, se montre sympathique envers les employés d’Asbestos en conflit. Il organise des collectes d’argent et de vivres pour les grévistes et leurs familles. Enragé de cet appui, Duplessis se réjouira qu’en 1950 le prélat soit muté en Colombie-Britannique.
Les futurs libéraux Pierre Elliott Trudeau, Jean Marchand et Jean Pelletier appuient aussi les grévistes d’Asbestos tout en s’opposant au gouvernement de Duplessis. De son côté, l’avocat Jean Drapeau, qui deviendra maire de Montréal en 1954, défendra les grévistes accusés.
La fin de la grève de l’amiante
La grève se termine le 1er juillet 1949 lorsque Johns-Manville laisse tomber des poursuites civiles et que le syndicat accepte que des briseurs de grève restent à l’emploi de la compagnie. Les négociations se poursuivent encore pendant des mois. Elles ne prennent fin qu’en décembre, au bureau de Duplessis. Les grévistes obtiennent pour seul gain une augmentation de 15 cents de l’heure, comme ils l’avaient demandée au départ.
« Il reste que Duplessis a gagné et qu’il a été réélu par la suite. C’est une bataille un peu noble, mais qui se termine quand même par la défaite des grévistes, du mouvement syndical et des opposants à Duplessis. »