Les événements de mai 1968, qui ont bouleversé la France, ont été portés par l'alliance des mondes étudiant et ouvrier. Plus de 10 millions de personnes ont arrêté le travail cette année-là et des étudiants ont manifesté en masse pour exprimer, entre autres, un ras-le-bol au sujet des inégalités sociales, explique Ludivine Bantigny, une historienne qui enseigne à l'Université de Rouen, en France.
Les origines de Mai 68
En janvier 1968, une grève particulièrement dure dans une usine de Caen lance le mouvement de grogne contre le patronat et le gouvernement. Des agriculteurs, des salariés et des étudiants apportent leur soutien à la cause des ouvriers.
Des inégalités sociales très fortes déchirent la France à l’époque. Plus de 5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de la pauvreté. Les employés français sont aussi ceux qui ont la plus longue semaine de travail de toute l’Europe. Les conditions de travail sont particulièrement rudes.
Le sentiment d’insatisfaction monte au sein de la société française. Le mouvement du 22 Mars à Nanterre naît dans une perspective anticapitaliste, en réaction à une foule de règlements universitaires qui irritent la classe étudiante. Des revendications culturelles, sociales et politiques activent ce véritable bouillonnement.
L'indignation prend de l'ampleur
Le déclenchement des violences de Mai 68 à Paris a lieu le 3 mai. Le recteur de l’Académie de Paris demande l’intervention de la police pour disperser les étudiants mobilisés dans les édifices universitaires. L’opération est brutale et 574 personnes sont arrêtées ce soir-là.
Au lendemain de cette vague d’arrestations, l’indignation fait un grand bond dans l'opinion publique. Le 10 mai, une grande manifestation est réprimée très violemment.
En parallèle, les syndicats d’ouvriers organisent l’occupation de magasins, de gares, d’usines, d’universités, etc.
« La police est déstabilisée par le savoir-faire et le courage de la part des jeunes manifestants », note Ludivine Bantigny, qui a écrit 1968 - de grands soirs en petits matins, aux Éditions du Seuil.
Cohn-Bendit et Jocelyne : des symboles
Un des visages de ces jeunes manifestants, Daniel Cohn-Bendit se détache du lot. Le jeune homme est doté d’une forte personnalité, entraînante et attachante. Il se dit révolutionnaire, anticapitaliste et anti-impérialiste.
Du côté ouvrier, une figure s’impose aussi. Une ouvrière de Saint-Ouen prénommée Jocelyne illustre le cri de colère des manifestants. Elle exprime son désarroi, son amertume, une détresse, dit Ludivine Bantigny. Il lui semble que très peu de choses ont été obtenues du mouvement des grèves.
Le 30 mai 1968 Charles de Gaulle dissout l’Assemblée générale devant l’impasse créée par les grèves et les nombreuses manifestations.
« Les gens qui se sont mobilisés à cette époque ont eu l’impression de relever la tête, d’avoir exercé leur esprit critique en occupant leur lieu de travail, en considérant que tout n’était pas acceptable. »