Avec son essai Nègres blancs d'Amérique, publié en 1968, Pierre Vallières a décrit avec force la réalité de la classe ouvrière canadienne-française aliénée et bafouée. Il a lancé un véritable « cri, un témoignage déchirant », note le journaliste Marc Laurendeau, qui retrace le parcours de cet auteur et militant.
Dans son livre, Vallières a décrit la vie de son père comme ouvrier des usines Angus. De cette façon, il a dépeint l’exploitation et la misère des Canadiens-Français. Il les voyait comme aliénés, de statut socio-économique inférieur et exploités au profit du capitalisme nord-américain, comme les membres de la communauté noire des États-Unis.
Selon Marc Laurendeau, le livre rend brillamment compte du climat social de l’époque. Pierre Vallières a dénoncé les élites, les bourgeois ainsi que le colonialisme canadien-anglais et celui des États-Unis.
« Même Mordecai Richler disait à ses enfants qu’ils devaient lire ce livre s’ils voulaient connaître la société canadienne-française. »
Militer par l’écrit
Né en 1938, Pierre Vallières a été un élève brillant. Il a publié un roman à sa sortie du collège classique. Plus vieux, il a écrit des textes polémiques pour Le Devoir. C’est sur la recommandation de Pierre-Elliott Trudeau qu’il a été nommé codirecteur de la revue Cité libre.
En parallèle, il s’est livré à un activisme politique appuyé. En 1965, il s'est joint au Front de libération du Québec (FLQ). Il souhaitait que la faction s’implique dans les luttes ouvrières. Avec son comparse Charles Gagnon, il a créé une cellule felquiste, s’impliquant ainsi dans les actions plus musclées du FLQ, en organisant des attaques à la bombe dès 1966.
Un essai écrit en prison
Recherché par la police pour la mort d’une femme survenue lors d’une explosion, il s’est exilé avec Charles Gagnon à New York. Il y a organisé une grève de la faim devant l’édifice des Nations unies pour dénoncer les conditions socio-politiques des Québécois. Il a été mis en détention à Manhattan.
C’est là, pendant sa détention de deux mois, qu’il a écrit Nègres blancs d’Amérique. Le manuscrit a été acheminé à l’avocat de Vallières, qui lui, l’a remis à Gérald Godin, alors éditeur pour Parti pris.
Il a été extradé au Canada en 1967. Aussitôt en territoire canadien, il a été arrêté par la police et emprisonné à Montréal en attente de son procès pour homicide. Son livre est paru aux éditions Parti pris pendant cette période.
L’essai de Pierre Vallières a connu un succès inespéré. Pas moins de 100 000 copies ont trouvé preneur, du jamais vu pour ce genre de publication. L’éditeur Gérald Godin racontait qu’à l’époque, les autorités voyaient d’un mauvais œil le succès d’un livre incendiaire de la sorte. D’ailleurs, l’ouvrage a été mis à l’index en 1969, considéré comme séditieux.