Chez les anglophones, les Britanniques et les Américains ont chacun leurs dictionnaires; les Espagnols et les Mexicains également. Wim Remysen, professeur de linguistique à l'Université de Sherbrooke, explique comment des dictionnaires québécois ont permis de mieux représenter le français d'ici.
« Les premiers dictionnaires québécois paraissent au milieu du 19e siècle. Ce sont d’abord et avant tout des dictionnaires correctifs, donc des recueils de fautes, indique le linguiste. Les dictionnaires faits en France ne sont pas nécessairement à même de bien rendre compte de l’usage qu’on fait du français ici au Québec. »
Les personnes qui créent ces dictionnaires optent pour deux approches différentes. L’approche différentielle « met l’accent sur les particularités du français québécois »; et l’approche globale « va plutôt tenter de décrire l’ensemble des ressources lexicales du français telles qu’on s’en sert au Québec ».
Des figures importantes
Originaire de la Montérégie, l’abbé Étienne Blanchard est une personnalité importante dans l’histoire de la lexicographie québécoise. « Il va vraiment s’engager dans le mouvement de correction de la langue », raconte Wim Remysen. Le dictionnaire de bon langage et Le manuel du bon parler sont ses deux œuvres phares, et on lui doit aussi l’ancêtre du dictionnaire visuel.
À la fin du 19e siècle, Oscar Dunn, avec son Glossaire franco-canadien, plaide pour les canadianismes. « C’est le premier intellectuel qui va mettre de l’avant […] qu’il est tout à fait légitime qu’on parle différemment au Canada, comparativement à la France. » Il propose un dictionnaire qui décrit les usages des canadianismes en s’intéressant à leurs origines.
Avec son Dictionnaire général de la langue française au Canada, Louis-Alexandre Bélisle adhère à une perspective descriptive : « Les canadianismes qu’il va ajouter dans son dictionnaire sont tous identifiés avec une petite fleur de lys. […] On va le lui reprocher d’ailleurs », précise Wim Remysen.
Le dictionnaire du français plus, en 1988, et Le dictionnaire québécois d’aujourd’hui, en 1992, proposent « un renversement de la perspective », soutient le linguiste : « On a plutôt opté pour un marquage des usages français qui sont peu ou pas connus chez nous ». Ces dictionnaires ouvrent la porte à d’autres ouvrages de référence d’approche globale, dont Usito, de l’Université de Sherbrooke.
Enfin, Wim Remysen explique pourquoi le Québec se démarque de la Belgique ou de la Suisse avec ses dictionnaires du français. « L’histoire des dictionnaires au Québec, c’est aussi l’histoire d’une émancipation culturelle », dit-il.