Rabaissées, dénigrées et caricaturées, les femmes lesbiennes ont même été dénoncées à la police, arrêtées ou internées dans le Québec des années 1950 et 1960. La sociologue Line Chamberland raconte cet épisode de clandestinité et de répression.
« Je me demandais comment elles avaient fait pour vivre leur lesbianisme dans un contexte si répressif », affirme celle qui a consacré sa thèse de doctorat à ce sujet.
À l'époque, les expériences de lesbianisme varient selon la classe sociale et le milieu professionnel. Les lesbiennes qui font partie de la classe ouvrière fréquentent les bars, souvent mal famés. Les professionnelles qui travaillent dans des milieux catholiques demeurent discrètes; les employées du milieu artistique et des médias évoluent dans des secteurs plus libéraux.
Inculqué très tôt aux enfants, le carcan moral religieux est étouffant. « Ce qui est inculqué, c’est la notion de péché, de confession, explique Line Chamberland. La sexualité en particulier était quelque chose de sale, de mauvais, de péché. Les femmes devaient garder la chasteté, la pureté. Leur destin, c’était d’être des mères, d’incarner le bien et de l’enseigner à leurs enfants. »
La pression sociale du mariage est un autre carcan, surtout dans les années 1950. Plusieurs lesbiennes se marient, mais le regrettent par la suite.
À la même époque, le Code criminel fait référence à « l’immoralité » ou aux « mauvaises mœurs » pour parler des femmes qui ne se conforment pas aux modèles véhiculés. Elles peuvent donc perdre la garde de leurs enfants. « À partir de 1953-54, les femmes peuvent être accusées de grossière indécence ou d’attentat à la pudeur d’une autre femme », indique Line Chamberland.
Un peu d’air
En 1969, la loi omnibus de Pierre Elliott Trudeau a décriminalisé l’homosexualité. Le harcèlement policier dans les bars fréquentés par les lesbiennes a diminué. Les femmes qui ne fréquentaient pas les bars « se sentaient moins honteuses d’être ce qu’elles étaient, parce qu’on admettait quand même que l’homosexualité n’était pas intrinsèquement mauvaise ». La loi n’approuvait pas l’homosexualité, mais l’État ne s’en mêlerait plus.
Enfin, Line Chamberland analyse les grands mouvements sociaux et féministes des années 1970 et tout le chemin parcouru en matière de droits des lesbiennes depuis cette époque.