Jusqu'à la fin des années 1950, des Québécois fabriquaient, trafiquaient et consommaient de l'alcool clandestin à grande échelle. L'historienne Catherine Ferland raconte comment cette pratique s'est mise en place.
À la fin du 19e et au début du 20e siècle, l’alcool est considéré comme le « mal du siècle ». Des mouvements de tempérance apparaissent, d’abord aux États-Unis, et au début des années 1920, la loi Volstead interdit de produire et de distribuer de l’alcool.
En réaction, des contrebandiers s’organisent, et le Canada devient une plaque tournante pour abreuver les États-Unis. C’est l’époque d’Al Capone et d’autres malfaiteurs célèbres.
Au Québec, les municipalités ont le pouvoir d’adopter des règlements interdisant l’alcool. « En 1919, il y a à peu près 90 % des villes québécoises qui sont considérées comme des villes sèches. Là-dedans, on inclut Trois-Rivières et Québec », affirme Catherine Ferland. Cependant, la bagosse, la baboche, la bidouche, la rinçure, le p’tit blanc et le miquelon continuent de couler à flots à Montréal et à Hull, notamment.
Pour contrer cette prolifération, le gouvernement crée en 1921 la Commission des liqueurs, l’ancêtre de la Société des alcools du Québec (SAQ) aujourd’hui. Une trentaine d’agents et d’inspecteurs appliquent les lois en matière de contrebande d’alcool au Québec. « C’est très peu », estime Catherine Ferland.
La production d’alcool de contrebande se poursuit quand même, car « l’offre ne suffit pas ». Dans les années 1930 et 1940, des individus et des groupes criminels implantent stratégiquement des réseaux dans presque toutes les régions, surtout près du fleuve et de ses confluents. « À cette époque, le fleuve est presque une autoroute de la contrebande. »
Saint-Pierre-et-Miquelon devient une des sources d’approvisionnement pour le réseau de contrebande. « C’est un territoire outre-mer, donc la France n’a rien à voir avec la politique, à ce moment-là, qui est en vigueur ici », raconte notre invitée. Sans compter les îles de Sorel, un des épicentres du trafic d’alcool.
« Un des alcools qui circulent à l’époque est le miquelon. Il y a le saint-pierre aussi. […] Il y a aussi d’autres noms comme le moonshine, qui rappelle le transport par barques à partir des îles le long des côtes un peu en cachette au clair de lune. »
À la fin de cet entretien, Catherine Ferland fait le point sur les mythes qui circulent sur le nom et la création du caribou, et elle se prononce sur les héritiers de ces producteurs d’alcools illicites.