Méconnu de notre histoire, l'abbé Proulx est un des pionniers du cinéma d'ici. Le prêtre, agronome et travailleur social s'est lancé dans le cinéma dès les années 1930. L'historien Marc-André Robert nous fait connaître cet homme qui, avec sa caméra 16 mm, a exploré le territoire et a documenté le quotidien de la société de cette époque.
L’abbé Proulx découvre le cinéma par un concours de circonstances. Lorsqu’il fait ses études d’agronomie à l’Université Cornell, dans l’État de New York, il assiste à des projections cinématographiques afin d’améliorer son anglais. Le déclic se produit lorsqu’un conférencier présente un film sur des techniques agronomiques. « Il voit là un extraordinaire potentiel d’enseignement agricole. C’est ça qui lui donne la piqûre de se lancer dans le cinéma », raconte Marc-André Robert.
Après ses études, il revient dans son diocèse au Québec et se met à filmer des colons avec une caméra 16 mm. Dans les années 1930, la province développe de nouveaux territoires, dont l’Abitibi.
« Avec cet appareil, il avait plus de liberté pour faire vraiment de la direction photo, donc de se promener et de capter des images. »
L’abbé Proulx suit les colons de l’Abitibi pendant trois étés. Il en tire en 1937 son premier film, En pays neufs. « C’est d’ailleurs le premier qui a réussi à sonoriser un long-métrage documentaire dans l’histoire du cinéma québécois », déclare Marc-André Robert.
Des liens avec le gouvernement
Le cinéaste autodidacte est soutenu par le gouvernement d’Adélard Godbout, un ami très proche. C’est ainsi qu’il devient contractuel pour le Service de la ciné-photographie du gouvernement du Québec.
Par contre, en 1944, Maurice Duplessis bat Adélard Godbout aux élections et prend le pouvoir. Habilement, l’abbé Proulx réussit à convaincre le premier ministre de le garder à son poste.
Marc-André Robert estime que le cinéma de l’abbé Proulx emprunte peu au documentaire, et qu’en vérité, il réalise des films d’information gouvernementale. « Ce genre de film visait à tisser des liens entre la population et les services gouvernementaux des différents ministères », explique l’historien. De plus, les valeurs proches du terroir de l’abbé Proulx cadraient avec le programme politique de l’Union nationale, le parti de Maurice Duplessis.
À la Révolution tranquille des années 1960, le cinéma de l’abbé Proulx est mis de côté. Pourtant, après toutes ces années, l’héritage et le patrimoine ethnographique de ses productions sont importants. Écoutez les explications de Marc-André Robert à ce sujet.