Durant l'hiver 1932-1933, une famine sans précédent s'est abattue sur l'Ukraine, entraînant la mort de 4 à 5 millions de personnes. Dominique Arel, titulaire de la Chaire d'études ukrainiennes de l'Université d'Ottawa, décrit cette famine délibérée, organisée par l'Union soviétique pour mater tout nationalisme ukrainien, et ce, dans l'indifférence de l'Europe de l'entre-deux-guerres.
L’Union soviétique instaure la collectivisation comme modèle économique. Elle a pour but d’éliminer toute propriété privée, au profit de l'État. L’Ukraine, grenier de l’Europe, refuse cette dépossession, ce qui est considéré comme un acte de trahison nationaliste. Staline envoie donc des brigades urbaines dans les campagnes et réprime avec violence ce manque de soumission. Les kolkhozes, des coopératives rurales, sont mis sur pied et les paysans qui n’y adhèrent pas sont identifiés et déportés en Sibérie ou en Asie centrale, ou encore exécutés sur-le-champ.
À la réquisition des terres s’ajoute la mainmise sur les réserves de nourriture au sein même des foyers. La faim s’installe cruellement dans l’hiver glacial de 1932. La population affamée meurt lentement dans d’affreuses souffrances, devant parfois choisir quel enfant nourrir au détriment d’un autre. En six mois, environ trois millions d’enfants périssent.
L’Europe, préoccupée par la montée du nazisme et la Grande Dépression, ignore les appels à l’action de ceux qui ont encore assez de voix, et se contente des dissimulations grotesques présentées par le régime de Staline.
La Russie met des dizaines d’années à reconnaître cet épisode funeste de son histoire et en minimise son implication, parlant d’un drame commun aux deux nations. En 2006, l’Ukraine reconnaît officiellement l’Holodomor comme génocide, accentuant un peu plus la rupture avec son voisin russe. Les relations bilatérales entre l’Ukraine et la Russie resteront à jamais marquées par cet épisode dramatique.