En 1791, Jeremy Bentham imaginait la prison parfaite, dans laquelle on pourrait épier les moindres gestes de chaque prisonnier sans être vu en retour. En 2021, ce modèle décrit la relation que nous entretenons volontairement avec la technologie et les réseaux sociaux, selon Sophie Abdela. La spécialiste de l'histoire des prisons parisiennes au 18e siècle raconte à Jacques Beauchamp comment les institutions et les sociétés ont intégré la philosophie du panoptique.
Au 18e siècle, la justice est une forme de spectacle. Le châtiment est d’abord corporel : carcan, pilori, exécution, etc.
Comme à l’usine
Jeremy Bentham est un juriste et philosophe anglais qui rêve de réformer ce système. Il s’inspire d’une idée de son frère pour améliorer la productivité d’une usine russe et l’applique à un concept de prison idéale. En 1791, il présente son idée dans le livre Le panoptique.
« Tout ce qu’il faut, c’est que les prisonniers supposent, pensent qu’ils sont observés pour qu’ils modifient en conséquence leur comportement. »
Des yeux tout autour
Dans une telle prison, un prisonnier ne sait jamais s’il est observé ou non, mais le simple fait de pouvoir l’être en tout temps le dissuade de toute forme d’indiscipline.
En 1975, le philosophe Michel Foucault affirme que le panoptique est bien plus qu’un modèle architectural. Ce modèle, selon lui, décrit aussi nos sociétés ainsi que les dispositifs disciplinaires sur lesquels reposent hôpitaux, écoles, etc.
Pour Sophie Abdela, les réseaux sociaux ont provoqué une expansion du phénomène panoptique.
« Les prisonniers du panoptique y étaient soumis contre leur gré. Nous, aujourd’hui, nous nous y soumettons, complètement volontaires, et nous alimentons la bête par choix. »
Au cours de cette émission, Sophie Abdela explique également ce que les philosophes des Lumières ont apporté à la réforme du système judiciaire.